Cette guerre du commerce international qui vient

Sébastien Laye, chercheur associé à l’Institut Thomas More

Les Echos.fr

11 janvier 2017 • Opinion •


Donald Trump va provoquer une forte hausse du dollar et une fuite des capitaux vers les États-Unis. Nos exportateurs vont se heurter à des mesures réglementaires ou douanières.


Les Phéniciens sont en commerce avec tous les peuples, disait Fénelon dans son Télémaque ; les Américains sont probablement les Phéniciens ou marchands globaux des temps modernes, et c’est vers eux qu’il faut regarder pour comprendre comment les guerres commerciales et des changes à venir pourraient ruiner l’Europe.

Une Europe qui paraît incapable de sortir des politiques monétaires expansionnistes et de revenir à une normalisation en cours aux États-Unis : la BCE a certes réduit son rythme d’achat de titres de dette de 80 à 60 milliards d’euros par mois, mais elle poursuivra ce programme sans aucune analyse ou revue des résultats avant neuf mois (soit après les élections françaises et allemandes, tant l’Europe craint des poussées populistes à cette occasion et s’accroche à l’illusoire pouvoir anesthésiant des politiques monétaires expansionnistes et des taux bas).

Vers une nouvelle politique monétaire aux États-Unis

La normalisation monétaire, en théorie économique, signifie trois choses :

  1. la réduction du bilan des banques centrales (par vente de titres sur le marché ou plutôt, comme nous le croyons, par un gigantesque swap ou échange de titres entre les banques centrales et leurs Trésors respectifs – possible aux États-Unis ou au Japon mais pas vraiment en Europe en raison de l’absence d’un Trésor européen) ;
  2. la libéralisation des taux d’intérêt déterminés à nouveau essentiellement par les marchés et non par des interventions des banques centrales ;
  3. l’abandon d’objectifs d’inflation et, donc, une transparence sur les prix.

Donald Trump paraît déterminé à poursuivre au moins les deux premiers objectifs (le troisième serait contredit par ses investissements dans les infrastructures et les déficits chroniques qu’il annonce, qui seraient de nature à générer de l’inflation) : non seulement les taux d’intérêt ont commencé à remonter aux États-Unis, mais Trump aura dès janvier la possibilité de nommer deux gouverneurs de la Fed et éventuellement de remplacer Janet Yellen l’été prochain. Rien ne pourra donc entraver un drastique changement de politique monétaire aux États-Unis acté dès l’été prochain.

Rendements faibles en Europe

L’administration Trump s’engagera dans une normalisation monétaire au moins jusqu’à la prochaine récession ou correction financière. L’effet immédiat de ces politiques – déjà anticipé par les marchés – sera double : une considérable appréciation du dollar et une importante fuite des capitaux vers les États-Unis. Les investisseurs internationaux n’auront plus aucune raison de maintenir leur argent en Europe, pour avoir des rendements faibles du fait de la politique de stérilisation monétaire maintenue face aux menaces populistes et un environnement de croissance atone, alors que les États-Unis offriront de meilleurs rendements et un contexte économique bien plus porteur au moins pour les huit premiers mois de 2017.

Les optimistes pourront arguer de la baisse de l’euro, qui justement offre des perspectives à l’export pour les entreprises françaises par exemple : mais Trump sait justement qu’il peut s’accommoder d’un dollar fort, car ses mesures protectionnistes protégeront les producteurs locaux. La PME française moyenne exportant vers les États-Unis risque d’être désemparée face à ces mesures réglementaires ou douanières, contrebalançant l’effet positif de l’euro faible. Afin d’éviter cette guerre à venir, les Français n’ont que deux options : proposer une normalisation monétaire dès l’été 2017, et surtout mieux défendre leurs intérêts face au grand frère américain, notamment avec une sortie des discussions du Tafta.