Pourquoi la France doit se doter d’un deuxième porte-avions

Jean-Sylvestre Mongrenier, chercheur à l’Institut Thomas More

14 avril 2017 • Opinion •


Les développements de la guerre en Syrie appellent l’attention sur la Méditerranée orientale et le Proche-Orient. Antan, toute crise majeure dans cette région ou ailleurs conduisait le Chef de l’Etat à afficher la place et le rôle de la France en déployant un groupe aéronaval. Avec le porte-avions Charles-de-Gaulle en maintenance pour dix-huit mois, la France ne dispose plus de la « permanence à la mer ».

Il importe de comprendre que le porte-avions constitue un instrument de puissance et un moyen d’action exceptionnel. Cette base navale mobile et souveraine confère au pouvoir politique la capacité d’agir sans dépendre des contraintes diplomatiques et logistiques qui conditionnent l’emploi de la force armée à partir de bases situées en territoire étranger.

Sa puissance de feu assure l’« entrée en premier » sur un théâtre d’opérations, puis renforce la manœuvre terrestre, sans pour autant augmenter l’empreinte au sol. Surtout, la présence d’un groupe aéronaval dans une zone du monde permet d’afficher sa résolution, de tenir un rôle décisif au sein des alliances, de peser dans la grande politique mondiale. A cet égard, le déplacement du porte-avions américain Carl Vinson vers la péninsule coréenne souligne l’importance géopolitique d’un tel instrument de puissance.

Au vrai, les guerres et conflits géopolitiques dans lesquels la France est engagée ont démontré la grande valeur stratégique du Charles-de-Gaulle. Les Rafale ont remplacé les Super Etendard et le porte-avions embarque une flotte capable de frapper des objectifs au-delà de 2000 kilomètres. Après chaque attentat commis sur le territoire national, le groupe aéronaval français a rapidement appareillé afin de porter la réponse sur le théâtre syro-irakien.

Il est donc temps que la France se dote d’une deuxième plateforme et anticipe le remplacement du Charles-de-Gaulle. La raison comptable opposera le coût d’un tel projet mais le financement est à la portée du budget militaire français. Le coût s’élèverait à 450 millions d’euros pendant dix ans, soit 1,5% du budget de la Défense en volume annuel, ou encore 0,02% du PIB. En contrepartie, les retombées sur l’emploi et la maîtrise des technologies de souveraineté sont majeures.

Sur le plan technique et stratégique, il importe que le futur porte-avions français soit en phase avec les évolutions en cours. Le deuxième porte-avions devrait donc être d’une longueur de près de 300 mètres et d’un déplacement de 60 000 tonnes. L’enjeu est de pouvoir mener simultanément les manœuvres de catapultage et d’appontage, un gain de temps pour la mise en vol en cas d’alerte, crucial en ce qui concerne la défense aérienne du bâtiment. Par ailleurs, la propulsion nucléaire laisserait plus de place sur le bâtiment pour le carburant destiné aux avions et munitions.

Le besoin d’une « permanence à la mer » appelle une décision forte lors du prochain quinquennat. In fine, il en va de l’autonomie stratégique de notre pays, de son rôle de « nation-cadre » et du rang qu’il entend tenir dans un monde dont les équilibres de puissance basculent, alors que la remilitarisation des océans s’accélère.

Puissance détentrice du deuxième domaine maritime mondial, la France devrait être à l’avant-pointe d’une Europe du grand large. Eminemment politique, la question du deuxième porte-avions n’est encore que timidement abordée. Elle a toute sa place dans le débat présidentiel français.