Le macronisme serait-il un gattopardisme ?

Gérard Dussillol, président du Pôle Finances publiques de l’Institut Thomas More et Sébastien Laye, chercheur associé à l’Institut Thomas More

9 juin 2017 • Opinion •


Il y a soixante-dix ans décédait Tomasi De Lampedusa, auteur du roman Le Guépard, à l’origine d’un concept de science politique, tiré de la phrase la plus célèbre du roman, prononcée par Tancrède : « Crois-moi mon petit oncle, si nous ne nous en mêlons pas, ils vont nous fabriquer une république. Si nous voulons que tout reste tel que c’est, il faut que tout change ».

Ainsi naissait le « gattopardisme », synonyme de changements spectaculaires en surface… pour mieux préserver le statu quo des choses profondes. Notre note récente pour l’Institut Thomas More sur le programme économique de LREM montre combien ce plan de réformes, loin de rompre avec l’atavisme étatique et bureaucratique de la France, s’inscrit dans la continuité du compromis social-démocrate Hollande-Valls-Macron.

Emmanuel Macron sera-t-il un président réformateur ? Il est permis d’en douter quand on analyse de près le programme de LREM. Au-delà d’acrobaties fiscales comme le basculement de certaines cotisations sur la CSG ou la transformation du CICE, il ne prévoit ni baisse des prélèvements obligatoires ni diminution de la dette publique. Certaines mesures essentielles (étatisation de l’assurance-chômage, ISF immobilier, nouvelle taxe d’habitation, indemnités chômages pour les démissionnaires) ne sont tout simplement pas financées, alors qu’Emmanuel Macron prétend respecter nos engagements européens, se livrant ainsi à un jeu de dupes avec notre partenaire allemand.

Ces mesures font fi de toute politique réelle de l’offre et font reporter l’essentiel de l’effort d’adaptation sur certaines catégories précises : retraités, propriétaires immobiliers, investisseurs. Nous aurons rarement vu dans notre histoire économique de telles catégories ainsi ciblées au nom de la lutte contre une supposée économie de la rente. De la même manière, LREM fait fi de la richesse de nos territoires, de nos PME, pour se concentrer sur les seules grandes entreprises et renforcer le jacobinisme dans notre pays : les clivages Paris/territoires, grandes entreprises/PME, start-up/industrie sont artificiellement mis en exergue pour justifier un programme fondamentalement déséquilibré. Même la réforme annoncée du marché du travail paraît bien pusillanime, dans la mesure où elle ne remet en cause aucune des « vaches sacrées » françaises : 35 heures, distinction CDD-CDI, seuils d’employés.

La modification annoncée du RSI est emblématique à elle seule de l’approche Macron : au lieu de remettre en cause l’ubuesque calcul actuel des cotisations et leur gestion, on se contente de déléguer la gestion des entrepreneurs au régime général… De même, loin d’imposer une règle d’or d’équilibre aux partenaires sociaux, on étatise autoritairement l’assurance-chômage.

Ce gattopardisme français pourrait permettre une amélioration de l’économie, mais très graduelle, limitée, dépendante de la conjoncture et surtout des taux d’intérêt. Un programme insuffisant pour sortir la France de l’ornière en cinq ans, surtout en cas de nouvelle récession mondiale.