27 juillet 2017 • Opinion •
« En politique, imprévoyance et décadence sont synonymes », disait Emile de Girardin. Force est de constater que la soudaine découverte de l’« insincérité » des comptes publics augure mal de la capacité du nouveau pouvoir — pourtant au cœur du précédent — à articuler une vision de long terme sur les finances publiques et la réforme de l’État. Certes, Bercy a convoqué des États généraux des comptes de la nation avec une formule qui nous rappelle les grandes heures de l’histoire de France mais qui est aussi censée être un prélude à une révolution : une politique spectacle si emblématique de cette théâtrocratie que dénoncent beaucoup d’observateurs.
Si d’aucuns se sont lamentés de la rectification de la Cour des Comptes avec un déficit supérieur de 9 milliards d’euros aux prévisions initiales (81 milliards contre 72), personne n’a relevé ce que signifiait la déclaration récente d’Edouard Philippe sur la « non-augmentation en volume des dépenses publiques durant le quinquennat ». Car simplement figer le montant absolu des dépenses publiques votées annuellement implique un effort colossal en termes de recettes : avec 292,3 milliards de recettes fiscales nettes prévues pour 2017, il aurait fallu, afin d’équilibrer les comptes de notre nation, trouver 81 milliards de recettes supplémentaires, soit une augmentation de 27,7 % de nos impôts.
Et encore, augmenter les impôts de ce delta faramineux ne ferait que figer la dette accumulée aux alentours de 100 % du PIB ; seule alors une augmentation soutenue du PIB (la fameuse croissance que suivent les économistes) pendant plusieurs années permettrait la décrue. Les Britanniques, par exemple, après la crise de 2008, sont parvenus à ramener leur dépense publique de 58% à 48% du PIB pour moitié via la baisse de la dépense publique et pour moitié par le truchement d’une croissance soutenue.
S’agissant de la France, la grande Faucheuse Austérité va-t-elle rentrer en scène ou sera-ce encore une fois l’Arlésienne de Bizet dont on parle tant sur scène mais qui ne vient jamais ? Edouard Philippe a évoqué 7 milliards de baisses des prélèvements obligatoires… qui ne sont que les baisses de prélèvements engagés par François Hollande dans la perspective 2018, à savoir 6 milliards pour la dernière tranche de déploiement du CICE (qui n’est toujours pas transformé en baisses de charges pérennes) et 1 milliard en crédit d’impôts pour emplois à domicile.
Emmanuel Macron a été élu sur un programme mais dans ce programme, rien de concret et substantiel sur la réduction des dépenses publiques et le rôle de l’État n’était mis en exergue. Quasiment aucune critique étayée du programme de Macron n’a été relayée (comme celle de l’Institut Thomas More) par des médias plutôt concentrés sur les agitations d’encensoir. Etait-il censé de demander à des énarques de réformer la main qui les a nourris ?
Le débat économique en France tend à devenir une sinistre farce et ressemble de plus en plus à la caricature de Mencken : « Deux loups et un agneau votent pour le repas du soir »… Cette comédie prendra fin quand « l’argent des autres », l’opium de la dette, signera la fin de la partie avec une crise de la dette d’une ampleur que peu soupçonnent, tout à la léthargie de la drogue monétaire.