Monsieur le Président, la France a besoin d’une véritable politique familiale

Jean-Thomas Lesueur, délégué général de l’Institut Thomas More

30 septembre 2017 • Opinion •


Si, sur certains sujets, la volonté d’Emmanuel Macron de se démarquer de la mollesse et de l’indécision hollandiennes est manifeste, sur d’autres, la différence est moins nette. La politique familiale de son quinquennat, dont les contours sont en train de se dessiner à l’occasion du projet de loi de finances 2018, est de ces derniers. A l’indifférence profonde pour la valeur sociale, politique et culturelle de la cellule familiale s’ajoute une incompréhension foncière de ce que doit être une telle politique pour produire des fruits au profit de la France et des Français.

L’annonce par Agnès Buzyn, ministre de la Santé, de la baisse du montant et des plafonds de ressources de la Paje (Prestation d’accueil du jeune enfant), qui succède à celle deux jours auparavant d’une hausse de cent trente-huit euros par mois de leur allocation de garde d’enfant pour les familles les plus pauvres, en est la démonstration. Comme François Hollande avant lui, Emmanuel Macron n’assume pas que la politique familiale ait pour but la natalité. Il la transforme donc en instrument de redistribution, en instrument de « lutte contre les inégalités ».

Faire un tel choix, c’est d’abord acter une bonne fois pour toute la fin de l’universalité des allocations familiales (et plus largement de la politique familiale), largement écornée par son prédécesseur il est vrai. Si l’on en croit les révélations du Figaro, les députés En marche ! réflechissent déjà à la fin de cette universalisation. Son succès pendant plusieurs décennies tenait pourtant au fait qu’un consensus existait en France (chose rare et donc précieuse…) pour favoriser la natalité, en vue du renouvellement des générations. Vu de gauche, cela se justifiait par le besoin d’alimenter la solidarité intergénérationnelle indispensable au maintien du système social, des retraites en particulier. Vu de droite, il s’agissait de donner corps et réalité à la fameuse maxime de Jean Bodin selon laquelle « il n’est de richesse que d’hommes »…

C’est aussi se tromper de remède pour soigner le mal incontestable de la pauvreté et de l’exclusion. De fait, trois millions d’enfants vivent aujourd’hui sous le seuil de pauvreté et notre pays compte plus d’un million et demi de mères isolées. Mais est-ce en prenant une nouvelle fois aux plus aisés – qui, pour une partie grandissante d’entre eux, le sont de moins en moins… – que la collectivité leur portera secours ? N’est-ce pas de cette idée profondément fausse d’une redistribution sans cesse élargie dont souffrent déjà notre pays et notre système social ? Les résultats économiques et sociaux de ces trente dernières années ne condamnent-ils pas cette extension infinie du domaine de la « lutte contre les inégalités » ? La mesure annoncée par Agnès Buzyn montre ici la banalité des conceptions qui président au sommet de l’État.

Mais ce manque d’imagination a aussi, sans doute, une autre cause : l’indifférence marquée de longue date par Emmanuel Macron pour la question familiale. Plus encore que l’absence de ministère qui lui soit consacrée dans le gouvernement, ce qui est frappant, c’est le défaut de toute mention de cette question dans son programme présidentiel, à l’exception de l’extension de la procréation médicalement assistée (PMA), de la défense du mariage pour tous, de la lutte contre l’homophobie et du combat contre la gestation pour autrui. Dans le projet qu’il présentait aux Français, la famille ne trouvait pas sa place. Porteur décomplexé d’une vision sociale individualiste, s’adressant aux individus auxquels il promettait réussite et épanouissement, il semblait ne pas voir les trésors dont la famille est prodigue, en particulier en un temps de mutations sociales et culturelles profondes. Comme si ce partisan de l’« uberisation » de l’économie n’était ni touché ni inquiété pas l’« uberisation » de la société.

De la même façon que l’ouverture de la Procréation médicalement assistée (PMA) à toutes les femmes, annoncée mi-septembre par Marlène Schiappa, Secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, témoigne au fond d’un féminisme utilitariste et vieillot, la politique familiale d’Emmanuel Macron est marquée au sceau de l’individualisme d’hier. Le besoin de lien social, de communauté, de partage, est au contraire l’une des tendances les plus profondes de l’époque. Le temps de l’individu-roi est passé. Tant mieux. Et quelle cellule sinon la cellule familiale répond le mieux, le plus immédiatement, le plus naturellement à cette aspiration ? Neuf Français sur dix considèrent que la famille est le premier lieu de solidarité, notamment entre les générations (sondage Ifop, janvier 2017). Mieux que des coups de rabot et un égalitarisme impuissant et désespérant, la France mérite une politique familiale à la hauteur de cette confiance.