Macron doit miser micro plus que macro !

Sébastien Laye, chercheur associé à l’Institut Thomas More

10 octobre 2017 • Opinion •


La feuille de route actuelle d’Emmanuel Macron – même après les multiples recadrages récents – ne peut être qu’une première étape dans la voie du redressement économique de la France. Car, comme l’analysent divers acteurs (FMI, OFCE), elle ne devrait pas significativement changer la donne en termes de croissance et d’emplois. En effet ce programme – improvisé en février 2017 mais reposant tout de même sur nombre de travaux antérieurs de haut fonctionnaires – reste trop souvent au milieu du gué, là où la France a tous les atouts pour réussir mais pêche par manque de courage et immobilisme énarchique. Il manque d’abord au programme Macron et à ses premiers mois une ligne directrice claire, une vision, comme les grands capitaines d’entreprises savent en assigner à leurs troupes afin de susciter une ardente motivation : la volonté de rendre plus d’autonomie, de liberté et de responsabilité aux acteurs économiques et aux citoyens devrait être la quintessence de cette action.

Or les orientations du nouveau gouvernement en termes de dépense publique (57% du PIB là où nous devons descendre impérativement à moins de 50%) restent vagues : si dans son programme, Macron prévoyait soixante milliards d’euros d’économies, le volet investissement comprend en réalité de nouvelles dépenses de fonctionnement courant notamment dans l’éducation. Par ailleurs, Bercy a depuis compris que la trajectoire « insincère » des finances publiques obligeait à trouver cinq milliards d’euros par an supplémentaires.

In fine, rien que pour respecter ses engagements de campagne, Macron va devoir trouver cent milliards d’euros d’économie en cinq ans (le chiffre ironiquement promis par François Fillon) soit presque 1% du PIB par an. Etant donne l’impact récessif la première année de telles mesures d’économies, l’effort devrait porter pour moitié sur les premiers dix-huit mois pour être crédible. Il va de soi qu’on ne trouve pas cent milliards d’euros par la technique du rabot utilisé cette année, avec quelques maigres économies sur la défense ou le budget voitures des ministres… et quelle erreur magistrale de ne pas avoir déposé immédiatement de loi de finances rectificatives ! Pour réduire ainsi la dépense publique, il faudrait geler les embauches publiques, augmenter le temps de travail dans la fonction publique, reporter l’âge de la retraite dans le secteur public à 65 ans, et surtout – réforme cardinale sans laquelle la dépense publique ne peut baisser sur le moyen terme – réserver à l’avenir le statut de la fonction publique aux seules fonctions régaliennes.

L’attente des entrepreneurs

Si les entrepreneurs ont plutôt soutenu la candidature Macron, le compte n’y est pas pour eux pour l’instant du fait de trop de pusillanimité en matière fiscale et de prélèvements obligatoires : oui, le RSI était une institution ubuesque par certains aspects, mais c’est le calcul et le recouvrement des cotisations qui posaient problème. Intégrer les indépendants dans le régime général suscitera de nouvelles difficultés là où il faudrait laisser la liberté totale aux entrepreneurs en termes d’assurances sociales : voilà un premier pas essentiel et symbolique vers la libéralisation de notre système… Notre différentiel de charges et cotisations avec nos voisins (cent cinquante milliards) ne rend pas si anodine qu’Edouard Philippe le pense la question des charges patronales. A cet égard, la simple transformation du CICE en baisse de charges (qui n’est qu’une simplification) aurait dû être immédiate : en la repoussant à 2019-2020, la nouvelle équipe envoie un message négatif: les charges patronales ne baisseront probablement pas de tout le quinquennat. Et pour cause : il n’est pas prévu d’insuffler plus de liberté de choix en matière de retraites (fonds de pension) ou d’assurances sociales.

Macron pourrait aider les entrepreneurs immédiatement en supprimant les cent-quatre-vingt taxes actuelles rapportant moins de cent millions d’euros et dont le coût de recouvrement les rend inutiles si ce n’est pour perpétuer l’administration de Bercy. Au-delà, il existe cinquante-quatre milliards d’euros de taxes sur la production pesant sur les entreprises avant même tout chiffre d’affaires ; baisser l’impôt sur les sociétés en cinq ans vers 25% ne paraît guère crédible, car les dirigeants politiques, qui devront s’adapter à la conjoncture économique (comme par exemple la survenue d’une récession), ne maintiendront jamais pendant cinq ans un effort continu… c’est dès 2018 qu’il aurait fallu, en un choc fiscal, ramener l’IS à 25%, un niveau qui ne fait que nous mettre dans la moyenne de nos partenaires.

ISF : l’aberration

La suppression de l’ISF est une excellente nouvelle mais sa mise en œuvre pour le moins technocratique soulève deux épineuses questions : a) le financement de nos PME et de nos start-ups repose aujourd’hui sur les fonds ISF et les réductions d’ISF que permettaient de tels financements : cet écosystème qui disparaîtra avec la réforme comme l’a expliqué Bruno Lemaire risque de laisser un vide béant en termes de financement au cours des deux prochaines années ; b) la concentration sur l’immobilier du futur impôt sur la fortune, couplé à certaines mesures – différence de traitement entre revenus mobiliers et immobiliers dans le futur PFU, baisses des ressources des collectivités territoriales (quasi-fin progressive de la taxe d’habitation) et des bailleurs sociaux (diminution des loyers et donc de leurs revenus afin de financer la baisse des APL) qui sont les premiers bâtisseurs en France –, laisse craindre une correction immobilière qui serait dangereuse pour notre économie.

Pour mener à bien ces réformes, Emmanuel Macron doit abandonner l’autoritarisme de la synthèse qui l’a animé pendant ses premiers mois au pouvoir et consulter les Français sur les réformes les plus importantes par voie de référendum : ainsi, lui qui a peu de légitimité sortie des urnes (mal élu avec un 15% des inscrits au premier tour du fait de l’abstention, phénomène qui s’est reproduit aux législatives), pourrait revitaliser le soutien populaire à ses réformes. Année sans élections, 2018 serait parfaite pour une consultation du peuple sur les réformes les plus cruciales. Un enjeu d’autant plus important que le cycle économique mondial – en expansion depuis 2009 – pourrait se retourner d’ici 2019 et obérer toute velléité de reformes durant la seconde partie du quinquennat.