1er février 2018 • Opinion •
Sir Julian King, commissaire pour l’Union européenne de la sécurité, a récemment qualifié les « fake news », dont certaines propagées par l’armée russe ou des sources américaines (dont Breitbart), de « menace stratégique pour l’Union européenne ».
Malheureusement, la propagande et la désinformation, dont relèvent les « fake news », ont toujours fait partie de l’arsenal dont se servent les acteurs internationaux entre eux. Aujourd’hui, ces instruments sont ouvertement utilisés et avec une grande sophistication par pratiquement tous les acteurs politiques. Ils sont cependant moins efficaces contre les systèmes dans lesquels les citoyens font confiance aux institutions. Dans ces cas-là, le vieux proverbe s’applique : « Les chiens aboient mais la caravane passe »…
Les inquiétudes de Sir Julian ne nous interpellent pas parce que des « fake news » se propagent mais parce que la Commission européenne les considère comme une « menace ». Ce que ses commentaires révèlent, c’est un manque de confiance entre la Commission et les peuples européens.
Car la meilleure façon de contrer les « fake news », c’est une communication honnête et des politiques claires. Le débat ouvert et la liberté d’expression sont essentiels.
Biotope fertile
Malheureusement, ni la Commission ni les gouvernements, ni les partis politiques de nombreux pays membres de l’Union européenne ne semblent prêts à le reconnaître. Au contraire, leur point de vue est mieux révélé par certains commentaires du président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker :
- « Nous décidons de quelque chose, laissons-le traîner et attendons de voir ce qui se passe. Si personne ne fait d’histoires, parce que la plupart des gens ne comprennent pas ce qui a été décidé, nous continuons pas à pas jusqu’à ce qu’il n’y ait pas de retour en arrière » (Parlant de l’euro en 1999).
- « Quand cela devient sérieux, vous devez mentir » (au sujet des négociations sur la dette grecque en 2011).
- « Si c’est un oui, nous dirons « on y va », si c’est un non, on dira « on continue »» (au sujet du référendum français de 2005.
Cette arrogance envers les peuples et cette fuite devant la responsabilité politique ne se limitent nullement à Jean-Claude Juncker et à la Commission. Il est également général parmi les gouvernements et les partis politiques des pays membres de l’Union européenne. De telles attitudes laissent toute latitude aux théories du complot pour se développer. Ils créent un terreau fertile pour les « fake news ».
Perdre contact
Ce qui manque ici, c’est l’essence même de la démocratie : la nécessité de convaincre les citoyens par la discussion et le débat. Elle invalide la pluralité des opinions, la liberté d’expression et celle de pensée qui sont les conditions de la vitalité démocratique.
L’Europe perd le contact avec ces valeurs importantes. Les technocrates, représentés dans les démocraties dites libérales par des personnalités telles que la chancelière allemande Angela Merkel et le président français Emmanuel Macron, suggèrent qu’il n’y a pas d’alternatives à leurs propositions – celui qui dévie est soit irrationnel soit radical. Des attitudes similaires sont exprimées par certaines institutions internationales et certaines organisations non-gouvernementales.
Nombre de citoyens qui, à juste titre, sont en désaccord avec cette pensée arrogante et opiniâtre ont été attirées par des mouvements dits « populistes » ou « radicaux ». Malheureusement, beaucoup de ces nouveaux « populistes » sont eux-mêmes bien-pensants et tout aussi désireux de marginaliser leurs opposants politiques. Car, en fait, il y a une triste convergence entre les technocrates et les populistes : les deux agissent en parfaite symbiose pour alimenter les théories du complot et les « fake news ».
Le seul remède à ce cercle vicieux est un débat ouvert et une politique honnête. Trahir nos principes fondamentaux pour des gains à court terme, tels que pratiqués par certains partis politiques établis, est devenu un véritable cancer pour le système démocratique. La réaction du public à ce sujet a été démontrée récemment par les pertes subies par les partis au pouvoir allemands – les démocrates-chrétiens de la CDU-CSU et les sociaux-démocrates du SPD – lors des élections de septembre 2017.
Les « fake news » ne deviennent dangereuses que lorsque les gens perdent confiance dans leur système politique.