Le gouvernement n’a toujours pas de politique sociale

Sébastien Laye, chercheur associé à l’Institut Thomas More

13 juin 2018 • Opinion •


« Le socialisme cherche à abattre la richesse, le libéralisme à supprimer la pauvreté », disait Churchill. Force est de constater, après la dernière intervention présidentielle ; que l’on cherche en vain la vision actuelle pour émanciper les individus et lutter contre la pauvreté. Alors qu’Emmanuel Macron avait semble-t-il laissé faire ses soutiens économistes qui le pressaient de mettre en exergue sa politique sociale, et qu’il prépare vraisemblablement une forme de recentrage idéologique (son opération de démantèlement de la droite ayant réussi à merveille) typique de son mantra en-même-tempisme, il était attendu sur la définition d’une politique sociale émancipatrice, innovante et efficace.

A cet égard, si on fait fi de déclarations générales intéressantes, rappelant que le redressement de l’économie est une forme de politique sociale, le discours de la mutualité a curieusement réduit le champ social à sa portion congrue, à savoir quelques mesures techniques afférentes à la Sécurité Sociale. Comment peut on parler de discours « stratégique » à propos de ces quelques mesures techniques, comme le reste à charge zéro dans l’optique, le dentaire et l’audioprothèse, l’augmentation du nombre d’audioprothésistes ou une annonce générale sur une meilleure rémunération des travailleurs sociaux employés par l’Etat ? Le passage du discours sur la grande pauvreté est si déconnecté des réalités qu’il ne mentionne ni les sans-abris, ni les familles monoparentales en difficulté, ni les handicapés : le pouvoir actuel se contente de répéter sa vision rawlsienne d’une école seule rempart contre la pauvreté. Le caractère parcellaire des mesures était si avéré que Macron a dû réintégrer dans son discours la réforme Delevoye des retraites, loin d’être systémique, qui ne s’attaque pas au vrai problème du financement de nos retraites (et qui est désormais annoncée pour 2019), ainsi qu’une revalorisation modeste de l’allocation de solidarité aux personnes âgées.

 

« Sur les retraites, d’une réforme systémique initialement promise, nous devons nous contenter d’une harmonisation des régimes qui sera étalée sur de nombreuses années, avec peu d’effets sur le quinquennat. »

 

D’un discours à la fois ambitieux dans ses annonces généralistes et si pauvre en mesures systémiques et concrètes, on n’aurait du point s’étonner après le contenu décevant des deux réformes sociales de l’assurance chômage et des retraites ; sur le premier sujet, une fois passé l’élan lyrique du macronisme sur l’indemnisation des démissionnaires « entrepreneurs de leur vie » ou la protection des indépendants, le contenu concret, eu égard aux contraintes budgétaires, a paru bien vide. Dans les faits, le filet de sécurité promis aux entrepreneurs n’existera pas. Sur les retraites, d’une réforme systémique initialement promise, nous devons nous contenter d’une harmonisation des régimes qui sera étalée sur de nombreuses années, avec peu d’effets sur le quinquennat : jamais la question du financement ou de la démographie n’a été traitée par un bien pusillanime Delevoye.

Si ce discours de la Mutualité a raté sa cible, c’est bien parce que ce gouvernement n’a aucune idée précise de ce que serait une politique sociale moderne. Loin de retomber dans les pièges si français de la redistribution non financée et d’un Etat Providence dispendieux que nous ne pouvons plus nous permettre, elle exigerait une politique forte en direction des petites classes moyennes et populaires. Une réforme systémique de l’impôt sur le revenu – financée par une recentrage de l’Etat sur ses fonctions régaliennes- pour alléger le fardeau fiscal de ces classes et leur redonner du pouvoir d’achat est indispensable : non seulement Macron ne l’a jamais envisagée, mais les modalités techniques de son inutile et technocratique réforme de l’assurance chômage se sont soldées par une augmentation de la CSG en défaveur de ces mêmes catégories. Ce premier choc en 2018 va être répété en 2019 avec le prélèvement à la source : plus question d’attendre le tiers payant, il faudra régler la note dès Janvier ; autant dire que le début de l’année prochaine sera problématique, non seulement pour les ménages, mais aussi pour les indépendants ; commerçants ; artisans, entrepreneurs, agriculteurs, qui verront leur fardeau de taches s’accroitre. Une vraie politique sociale exigerait une diminution des charges et normes pesant sur ces populations.

En définitive, le discours de la Mutualité a curieusement fait l’impasse sur le pouvoir d’achat, les vraies réformes permettant de dégager des marges de manœuvre (dépense publique, périmètre de l’Etat), et la pauvreté : on y a retrouvé les habituels poncifs de la majorité sur l’école pour corriger les inégalités, les prothèses auditives et autres micro-mesures sanitaires ; Tout cela est très loin de faire une politique sociale cohérente.