13 juillet 2018 • Opinion •
On avait pourtant voulu y croire. Le projet de réforme de la formation professionnelle présenté par Muriel Pénicaud au printemps donnait l’espoir qu’enfin la question lancinante de de la formation professionnelle allait être traitée et bien traitée. A savoir : s’intéresser avant tout aux questions de fond comme les difficultés des primo-accédant à l’emploi, des demandeurs d’emplois dont les profils de compétences sont très éloignés des besoins du marché et la responsabilisation des entreprises et des salariés dans le développement de leur employabilité.
Las, alors que le texte est discuté ces jours-ci au Sénat et si certaines avancées modernisant la gestion de la formation professionnelle peuvent être notées, le Big Bang est essentiellement technocratique : oubliée la simplification pour les entreprises ; oubliée la responsabilisation des citoyens et des salariés ; oublié le rôle essentiel des régions dans l’adaptation des compétences aux besoins des bassins d’emplois. L’État centralisateur reprend la main et s’occupe encore de tout…
Deux obstacles
Le gouvernement a, au fond, entamé avec les partenaires sociaux une partie de jeu de Go dont ceux-ci n’ont manifestement pas bien saisi l’enjeu : celui de la reprise en main de la totalité du financement de la formation professionnelle pour en gérer la redistribution et réduire l’influence, le poids et le coût des structures paritaires. Certains s’en réjouiront.
Mais il y a deux obstacles majeurs qui ne permettront pas, gageons-le, d’atteindre les objectifs de réduction du chômage. Tout d’abord le fait d’avoir retiré le pilotage des questions de formation initiale et de formation professionnelle aux régions. Pourtant les régions ont essayé de bouger. Elles se sont vite tues et c’est dommageable. Toutes les initiatives régionales démontrent que les solutions sont sur ce terrain-là, que le travail d’articulation entre l’éducation et le monde du travail est aujourd’hui médiocre et qu’il ne trouvera pas d’aboutissement avec une telle centralisation des ressources.
Ensuite, le rôle des branches professionnelles. Haut lieu de mixité paritaire. Toujours trop nombreuses, elles ont toujours plusieurs métros de retard. Elles sont incapables, par leur mode de fonctionnement de gérer l’adaptabilité et la réactivité qu’il est aujourd’hui incontournable d’avoir. Nous allons encore perdre beaucoup trop de temps et d’argent avec ces deux erreurs.
Un système infiniment complexe et lourd
Comment imaginer que les salariés et les demandeurs d’emploi vont s’y retrouver quand si peu est fait pour simplifier, clarifier, agiliser un système infiniment complexe et lourd ? Voilà, tout est dit.
Le financement de l’ex-compte personnel de formation (CPF) en euros est certes une initiative qui va dans le bon sens. Et la montée en puissance des structures paritaires pour mettre en œuvre le CEP afin d’accompagner les salariés et les demandeurs d’emploi dans la construction de leur parcours est une bonne idée. Mais rien n’est fait pour démocratiser réellement l’accès à la formation. Comme aujourd’hui, seuls les cadres et les plus diplômés sauront se diriger dans le maquis de la formation.
Ajoutons qu’il n’y a pas de réussite professionnelle et d’accès au marché du travail sans motivation individuelle et responsabilisation. Les partenaires sociaux sont restés dans leurs anciens rôles sur ce point pourtant majeur Ils n’ont jamais fait réellement la promotion du Droit Individuel à la Formation (DIF) comme du Compte Personnel de Formation (CPF), à part au moment des négociations.
Les raisons d’un nouveau rendez-vous manqué
Alors qu’a-t-il manqué à l’exécutif pour réussir sa réforme ? D’abord de sérieusement prendre en compte les nombreux diagnostics, faits par toute une multiplicité d’acteurs, qui expliquent les dysfonctionnements majeurs et les solutions à apporter pour faire de notre système de formation professionnelle un levier pour l’emploi. A ne pas avoir fait ce travail, à ne pas avoir consolider toutes les idées innovantes déjà proposées, les réformes se suivent et ne résolvent pas les problèmes.
Le système va demeurer complexe et inefficace au regard des fonds investis. Les entreprises vont rester redevables d’une taxe qui n’a plus de sens face aux enjeux de leurs responsabilités sociales et sociétales. Mais aussi, ce système n’offre pas aux partenaires sociaux la place utile qu’ils devraient avoir dans le dialogue social dans les entreprises. Comme s’ils étaient et voulaient rester à l’extérieur du vrai sujet.
Mais surtout cet échec en train de se dessiner prouve que l’exécutif reste enfermé dans les réflexes centralisateurs qui ont fait tant de tort à notre pays depuis des décennies. Sans doute moins par idéologie que par habitude, cet étatisme technicien ne sait pas faire confiance aux acteurs qu’il aurait fallu motiver et responsabiliser pour réellement changer les choses : les régions, les entreprises et les salariés eux-mêmes.