De quoi la « PMA pour toutes » est-elle le nom ?

Michèle Fontanon-Missenard et Christian Flavigny sont pédopsychiatres et psychanalystes, membres du groupe de travail Famille de l’Institut Thomas More

24 juin 2019 • Opinion •


Michèle Fontanon-Missenard et Christian Flavigny sont pédopsychiatres et psychanalystes, membres du groupe de travail Famille de l’Institut Thomas More, qui vient de publier la note « PMA, filiation, transmission : Quels sont les besoins de l’enfant ? » (disponible ici). Christian Flavigny publie en outre Le débat confisqué : PMA, GPA, bioéthique, “genre”, #metoo, … (Salvator, juin 2019)


Ainsi donc, le premier ministre Édouard Philippe a confirmé que l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) pour toutes les femmes, célibataires ou en union de même sexe, serait proposée au Parlement dès cet automne, dans le cadre de la révision de la loi de bioéthique. Présentée comme l’élargissement d’un droit pour quelques-unes sans conséquence pour tous les autres, la « PMA pour toutes » recèle pourtant de graves conséquences sociales que ses promoteurs se refusent à voir. Elle dit beaucoup de la société que nous laisserons à nos enfants. De quoi la « PMA pour toutes » est-elle le nom ? Il faut avoir le courage de répondre avec franchise.

C’est le nom d’une société qui délaisse le lien de transmission entre les générations. Un couple qui enfante relaie le pouvoir procréateur qu’exercèrent jadis leurs propres parents, en une forme d’hommage. Ce processus de transmission est mis en impasse par une personne seule, par celles en union de même sexe, par les personnes ayant passé l’âge de procréer. La technique rend certes possible de contourner cette impasse ; mais si les lois l’encouragent, elles disqualifient le processus de transmission du pouvoir procréateur entre les sexes qui est au fondement psychologique de la venue de l’enfant et par là le socle de la vie familiale.

C’est le nom d’une société qui résume la venue de l’enfant à la fécondation de l’œuf. Or, la fécondation est la facette organique de la relation d’enfantement par laquelle un homme et une femme conjoignent leurs incomplétudes sexuées au profit d’un pouvoir procréateur partagé. La « PMA pour toutes » organise une toute-puissance sur la venue de l’enfant dont résulterait une violence première et fondamentale à son égard : les conséquences en seraient inéluctables. Résumer sa venue au monde à une logique seulement organique, c’est délaisser la constitution symbolique du lien premier entre parents et enfant qui transmet l’humain.

C’est le nom d’une société qui légitime les revendications de minorités à la seule raison que, leur option étant minoritaire en nombre, elles seraient opprimées par la façon dite du coup majoritaire. Or, le fait qu’un plus grand nombre relaie l’enfantement depuis celui passé de leurs propres parents, partageant leur pouvoir procréateur depuis l’héritage transmis depuis les générations qui les ont précédés, cela n’établit pas une norme oppressive à l’égard d’autres. Que cette transmission soit contestée et donc refusée par certains ou certaines, les mettant à l’écart et les privant d’exercer leur propre pouvoir procréateur, cela est un enjeu de leur vie psychique personnelle. Que les lois valident ce contournement, ce que signifie ouvrir la PMA « à toutes », serait disqualifier le socle de toute vie familiale : le pouvoir procréateur hérité de la génération précédente en lien de reconnaissance à son égard. C’est donc « la destruction du lien familial pour tous ».

C’est le nom d’une société qui transforme la procréation en production d’enfant. Distribuer des droits aux personnes qui réclament l’enfant en s’affranchissant de l’enfantement, c’est invalider la procréation comme circulation du don et de la dette symboliques, c’est instaurer un authentique droit à l’enfant, un droit à faire venir l’enfant sans la relation d’enfantement qui est le berceau affectif de sa venue au monde.

C’est le nom d’une société française qui renie sa culture et pense « progresser » parce qu’elle se ploierait à la manière américaine. La manière française refuse la marchandisation des corps contrevenant à leur indisponibilité et à la gratuité, elle plaide la relation d’enfantement comme pivot de l’accueil de l’enfant à venir et de son inscription dans sa famille : cette manière, pleinement respectueuse de l’intérêt de l’enfant, serait disqualifiée par la soumission aux principes anglo-saxons, alors qu’elle émane de notre culture héritière du catholicisme et de la tradition française de laïcité.