Coup d’État au Mali · Y a-t-il un risque de « contagion » aux pays voisins ?

Antonin Tisseron, chercheur associé à l’Institut Thomas More

20 août 2020 • Entretien •


L’instabilité au Mali pourrait avoir des répercussions dans la région, déjà confrontée à de nombreux défis économiques, sociaux et sécuritaires. Des élections présidentielles auront bientôt lieu en Côte d’Ivoire, au Burkina Faso, au Ghana. Entretien avec Antonin Tisseron, chercheur associé à l’Institut Thomas More.


Le processus au Mali est loin d’avoir connu son épilogue, mais trois aspects me semblent importants.

Le premier est de savoir quel impact aura le coup d’État du 18 août sur les dynamiques sécuritaires au Mali et, par ricochet, dans les pays voisins. En 2012, un précédent coup d’État avait profondément déstabilisé les forces sécuritaires maliennes. Les circonstances aujourd’hui sont différentes, mais un phénomène comparable pourrait avoir des répercussions sécuritaires sur les pays voisins. C’est le cas pour le Burkina et le Niger, déjà frappés régulièrement par des attaques, mais pas seulement. La France a classé récemment les régions de Kayes et de Sikasso « en zone rouge », ce qui rappelle que la menace djihadiste ne se limite plus au nord et au centre du Mali, et que les pays côtiers sont aussi menacés.

Un deuxième aspect renvoie à la possibilité d’un renversement brutal du pouvoir dans un autre pays. La situation du Mali est particulière dans la sous-région, avec une partie du territoire occupée par des groupes armés, des attaques récurrentes contre l’armée, des massacres de civils. Le président était également contesté dans la rue depuis plusieurs mois par une opposition demandant sa démission et les négociations politiques n’avançaient pas en dépit d’une médiation internationale. Cependant, plusieurs régimes d’Afrique de l’Ouest sont confrontés à des mécontentements d’une partie de la population voire de l’armée.

Je ne crois pas à un effet domino, mais un coup d’État est de l’ordre du possible dans d’autres pays. Des élections sont prévues au Burkina Faso, en Guinée, en Côte d’Ivoire et au Niger avant la fin de l’année, et les processus électoraux sont des moments d’exacerbation des tensions politiques et sociales. Les scandales liés à la corruption ne sont également pas spécifiques au Mali. D’importants détournements ont été rendus publics ces derniers mois dans le cadre de marchés liés à la défense au Niger, ce qui a nourri des mécontentements au sein des forces armées. Enfin, la contestation du pouvoir par une partie de la population n’est pas spécifique au Mali. Il y a eu des affrontements en Côte d’Ivoire récemment, qui ont causé la mort de 5 personnes à la suite de l’annonce de sa candidature à un troisième mandat par Alassane Ouattara. Depuis près d’un an, le pouvoir guinéen fait face à une opposition demandant que le président Alpha Condé ne brigue pas de nouveau mandat.

Troisièmement, l’une des leçons de ce coup d’État est que la présence de forces étrangères ne garantit pas contre un renversement du pouvoir par une partie de l’armée. Une autre, qui ne concerne pas les États de la région mais leurs partenaires internationaux impliqués dans les processus de réforme du secteur de la sécurité, renvoie aux limites de ces programmes. Ils n’ont pas empêché une immixtion de l’armée sur la scène politique, ce qui doit amener à les questionner.