Mieux accompagner les entreprises en difficulté

Sébastien Laye, chercheur associé à l’Institut Thomas More

14 avril 2021 • Opinion •


La crise sanitaire et la pandémie de Covid-19 ont fortement impacté les entreprises et l’économie française. Dans le classement de la Banque Mondiale sur l’efficacité économique des régimes de faillite, la France se positionne à une inquiétante 26ème place. Analyse de Sébastien Laye, qui vient de publier la note de Benchmarking « Entreprises en difficulté : que vaut le régime d’insolvabilité français ? Analyse comparative internationale » (disponible ici).


L’heure est grave pour les commerçants, les artisans et les entrepreneurs. Alors que les prévisions sont sombres pour les mois à venir (reprise de l’activité des tribunaux de commerce cet été avec probablement 60 000 faillites en 2021, et un taux de chômage proche de 11%, selon la Banque de France), il est apparu à l’Institut Thomas More utile et urgent d’analyser et d’évaluer l’efficacité du régime des faillites et d’insolvabilité des entreprises en France. C’est ce travail qui a révélé les faiblesses de notre système. Or, injecter de l’argent dans un système qui fonctionne mal n’a guère de sens : si nous voulons aider nos petites entreprises, il faut d’abord réformer le droit des faillites avant de les aider.

Pour ce faire, nous avons comparé la France à huit pays : l’Allemagne, le Danemark, l’Espagne, les États-Unis, la Finlande, l’Irlande, l’Italie et le Royaume-Uni. Nous avons utilisé 22 critères de comparaison, du sort des créanciers au traitement du chef d’entreprise, en passant par les émoluments des professionnels de l’insolvabilité et le paiement des derniers salaires. Le constat est accablant pour la France, qui dans le classement de la Banque mondiale sur l’efficacité économique des régimes de faillite, pointe à une lamentable 26ème place : loin derrière les premiers, pays scandinaves et États-Unis (dont le chapitre 11 sert de modèle universel), mais aussi derrière l’Allemagne, l’Italie ou l’Espagne.

La comparaison permet d’identifier que cette contre-performance s’explique principalement par le sort réservé aux créanciers dans notre pays, du fait de procédures souvent trop rigides et insuffisamment protectrices. En matière de régimes de pré-insolvabilité, on ne va trouver d’effectives en France que des procédures à l’amiable, là où plusieurs pays ont mis en place des mécanismes d’alerte précoce aussi performants que lors d’une faillite ou une liquidation : ce qui bien sûr limite l’occurrence de ces faillites. Les administrateurs et mandataires judiciaires « à la française » n’ont ensuite pas d’équivalents dans les pays comparés où leur rôle est assumé par des avocats, des comptables ou des professionnels du monde économique. Conflits d’intérêts, ouverture de la profession, règles de rémunération : la comparaison internationale ouvre des perspectives sur la transformation du métier qui devra accompagner la réforme du secteur.

Mais la question essentielle, celle que nous détaillerons dans un futur rapport en juin prochain, est celle des outils de restructuration de nos entreprises : cette question va se poser avec acuité en France, et dans un contexte très différent des dernières années, avec la question du remboursement des PGE (Prêts garanti par l’État). Notre pays pourrait avec profit s’inspirer de plusieurs de ses partenaires européens qui ont adopté des mécanismes de sécurisation des investisseurs avant un apport de financement, quant au sort qui leur est réservé lors d’une procédure d’insolvabilité.

Fort heureusement, un pan de notre régime d’insolvabilité fonctionne correctement, c’est celui de la protection des salariés avec le régime de la garantie des salaires, ou AGS. Gérée par un organisme patronal, elle est cependant menacée par un projet d’ordonnance du gouvernement. Consolider ce qui ne marche pas, et détruire ce qui marche, semble être le nouveau credo du gouvernement pour gérer les conséquences économiques et sociales du Covid.