Migrants · Convaincre Johnson de renégocier les accords du Touquet ? Impératif mais difficile

Jean-Thomas Lesueur, directeur général de l’Institut Thomas More

26 novembre 2021 • Entretien •


Vingt-sept migrants, partis de la côte française, se sont noyés dans la Manche en tentant de gagner l’Angleterre. Jean-Thomas Lesueur analyse la position de Londres, peu porté à coopérer avec Paris sur cette délicate question, et les limites de l’approche juridique du sujet par la France et l’Union européenne.


Le drame des migrants noyés dans la Manche était-il prévisible ?

Il n’y a pas de réponse satisfaisante à cette question. Répondre non serait faux. Répondre oui est piégeux. Car la question de notre responsabilité, à nous Européens, est minée. Que nous ayons un devoir de secours envers nos frères humains en danger est une évidence morale – qu’on l’appelle charité ou solidarité. Que nous soyons tenus pour responsables, moralement et politiquement, de ces morts tragiques, comme de celles qui les ont précédées et de celle qui hélas adviendront encore, est une accusation qui doit être rejetée. Face à des flux migratoires, légaux et illégaux, sans cesse plus intenses, la seule option possible, d’après certains, serait l’accueil inconditionné : nous en aurions le devoir moral et nous en aurions les moyens. C’est cette vision culpabilisatrice et impérative qu’il faut refuser.

Comment expliquer l’attractivité persistante du Royaume-Uni pour clandestins et demandeurs d’asile ?

Trois raisons à cela, il me semble. D’abord : la langue. Les immigrés du sous-continent indien (Inde, Pakistan, Bangladesh, etc.) la maîtrisent (en tout cas, s’ils maîtrisent une langue étrangère, c’est l’anglais) et privilégient donc le Royaume-Uni. Idem pour les personnes en provenance d’Afrique de l’Est. Ensuite parce que le marché de l’emploi britannique est fluide et dynamique, qu’il est facile d’y embaucher et de licencier. Au Royaume-Uni, il est plus aisé qu’ailleurs de trouver un emploi, légal ou « au noir ». Enfin, une cause très bien mise en lumière par l’économiste britannique Paul Collier : le rôle des diasporas. Collier montre le rôle d’attraction et de sécurisation des diasporas pour l’immigré, qui va plus volontiers là où il sait qu’il retrouvera des personnes issues du même pays, de la même région, voire du même village que lui, qui l’aideront à trouver un travail, un logement, etc. Cette logique s’observe ailleurs en Europe mais très largement au Royaume-Uni, en particulier dans ses grandes villes…

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