Macron et l’Europe · Volontarisme, disruption et impuissance

Jean-Sylvestre Mongrenier, chercheur associé à l’Institut Thomas More

Février 2022 • Note d’actualité 78 •


On sait l’importance qu’Emmanuel Macron accorde au thème de la « souveraineté européenne ». Au cours du premier semestre 2022, la présidence française de l’Union européenne est censée traduire cette aspiration en actes. En vérité, l’idée d’une Europe intégrée que Paris et Berlin domineraient est de longue date un leitmotiv français. Ce projet se heurte à la force des choses d’autant plus que l’impéritie française met en péril les bases de la puissance nationale. In fine, la France ne compromettrait-elle pas son rôle propre, au cœur des alliances occidentales ? Et si l’on élargit la focale, il appert que l’approche technocratique et la maîtrise des « dossiers » n’ont guère porté leurs fruits. Volontarisme et disruption ont plutôt mené à l’impuissance.

Emmanuel Macron a fait des thèmes de la « souveraineté » et de l’« autonomie stratégique », envisagées à l’échelle de l’Union européenne, avec pour projet une défense intégrée, l’un de ses chevaux de bataille. Depuis son discours de la Sorbonne, prononcé le 26 septembre 2017, le président français est revenu à maintes reprises sur la question, se hasardant à parler d’une « armée européenne » (6 novembre 2018). Inaugurée le 9 mai dernier, la Conférence sur l’avenir de l’Europe est censée donner une nouvelle impulsion, la présidence française de l’Union européenne (1er semestre 2022) devant amplifier la dynamique. Ainsi le discours de Strasbourg, le 19 janvier dernier, se veut-il volontariste (un autre discours « européen » sera prononcé à Tourcoing, le 2 février). En vérité, l’idée directrice est de longue date un leitmotiv de la France, le syntagme de « souveraineté européenne » remplaçant celui d’«Europe-puissance », déjà martelé par Jacques Chirac au cours de ses deux mandats présidentiels (1995-2007).

Il s’agit en fait d’une nouvelle mouture du projet d’un « noyau dur » organisé autour de Paris et Berlin, conçu dans le milieu des années 1990. La France, « puissance dotée », inélégante expression qui renvoie à son statut international (siège au Conseil de sécurité de l’ONU et force de frappe nucléaire), jouirait d’un avantage comparatif. En prenant appui sur l’Allemagne, elle pourrait donner un contenu à un vieux slogan sur l’Europe : « la France en plus grand ». Dans une telle perspective, les « docteurs Tant-Mieux » voient dans le Brexit une chance pour l’Europe de la défense. Inversement, le leadership de Joe Biden et la centralité de l’OTAN sont présentés comme une concurrence déloyale à l’égard de la France, fidèle « soldat du multilatéralisme » au cours des années Trump. Et pourtant… A se focaliser sur la souveraineté européenne, toute rhétorique, celle-ci ne compromettrait-elle pas son rôle propre, au cœur des alliances occidentales ? Quid de la politique étrangère française sous Emmanuel Macron ? Analyse de fin de mandat…

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L’auteur

Jean-Sylvestre Mongrenier est chercheur associé à l’Institut Thomas More. Titulaire d’une licence d’histoire-géographie, d’une maîtrise de sciences politiques, d’un DEA en géographie-géopolitique et docteur en géopolitique, il est professeur agrégé d’Histoire-Géographie et chercheur à l’Institut Français de Géopolitique (Université Paris VIII Vincennes-Saint-Denis). Il est conférencier titulaire à l’IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale, Paris), dont il est ancien auditeur et où il a reçu le Prix Scientifique 2007 pour sa thèse sur « Les enjeux géopolitiques du projet français de défense européenne ». Officier de réserve de la Marine nationale, il est rattaché au Centre d’Enseignement Supérieur de la Marine (CESM), à l’École Militaire. Il est l’auteur de Géopolitique de l’Europe (PUF, 2020) et de Le Monde vu de Moscou (PUF, 2020)