Restaurer la valeur du mérite dans les politiques éducatives · Plaidoyer et recommandations

Lyvann Vaté, chercheur associé à l’Institut Thomas More

Mars 2022 • Note 56 •


Le mérite au cœur du modèle républicain

L’histoire du mérite depuis la Révolution française illustre parfaitement l’évolution des mentalités et des partis pris idéologiques sur la longue durée. De 1789 jusqu’au lendemain de la Seconde guerre mondiale, la promotion par le mérite fut un marqueur déterminant du modèle républicain, réputé juste car répartissant les emplois publics ou l’accès aux écoles prestigieuses selon les qualités individuelles, les savoirs et les aptitudes, le travail fourni par la volonté propre de chacun, et non plus selon la naissance.

La gauche et l’extrême gauche contre le mérite

Mais à partir des années 1960, le mérite se fait des ennemis de plus en plus nombreux. En particulier Pierre Bourdieu, qui envisage le système scolaire comme le lieu de la reproduction sociale des élites et qui se livre à une critique sociologique de la valeur de mérite présentée comme le paravent de la continuation des héritages. Aujourd’hui encore, la gauche et l’extrême gauche restent prisonnières de cette lecture : le mérite est suspect, en particulier dans le système scolaire, car il singularise les meilleurs. Concrètement, la gauche et l’extrême gauche préféreront toujours les bourses à critères sociaux à celle qui distinguent l’excellence.

Les grands mérites du mérite à l’école

Il nous semble au contraire indispensable de renouer avec la notion de mérite, dans le sens premier du terme : à savoir la juste récompense des efforts de chacun, la mise en place des conditions d’épanouissement des talents singuliers au bénéfice du plus grand nombre, l’attribution des statuts sociaux et professionnels selon le niveau de compétences et non selon les relations familiales. Revaloriser la notion de mérite à l’école aurait alors plusieurs effets : un apprentissage plus exigeant dans l’enceinte scolaire à même de compenser les héritages familiaux différenciés, une lutte accrue contre l’autocensure des élèves venant de milieux sociaux moins favorisés, une égalité des chances mieux réalisée, une répartition plus juste des emplois à forte rémunération et des reçus aux concours les plus sélectifs, chacun ayant, indépendamment de son milieu d’origine, une chance égale de les atteindre par leur seul mérite.

Restaurer la notion de mérite dans les politiques éducatives : plaidoyer et recommandations

La campagne présidentielle aurait dû être le grand rendez-vous de la nation avec elle-même et, dans ce rendez-vous, l’éducation aurait dû être le premier sujet de discussion. Hélas, la crise internationale provoquée par l’agression de l’Ukraine par la Russie risque de priver la France de ce moment. Le débat sur l’école et sur l’éducation n’aura pas lieu – ou bien trop modestement. Nous ne pouvons nous y résoudre. Visant à restaurer la notion de mérite dans les politiques éducatives, la réflexion que nous proposons s’efforce dans un premier temps de la resituer dans les discours des candidats à l’élection présidentielle, comme valeur prônée ou réfutée. Puis de formuler des recommandations afin de donner corps et sens à la notion dans les politiques publiques et de dessiner les contours d’une politique du mérite à l’école.

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L’auteur de la note

Lyvann Vaté est diplômé en lettres modernes de l’Université Paris 3-Sorbonne Nouvelle et en philosophie de l’Université Paris 1-Panthéon-Sorbonne. Il poursuit sa formation en histoire de l’Europe médiane à l’Inalco et en philosophie politique et sociale au sein de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) et de l’École normale supérieure de Paris (ENS). Il a en parallèle travaillé notamment en cabinet en mairie et à l’Assemblée nationale comme assistant parlementaire. Il prépare une thèse de doctorat qui portera sur la notion de mérite dans la pensée morale et politique contemporaine. Il a publié récemment « Norbert Elias et le marxisme bourgeois » dans la revue Cités n° 88 (2021-4)