PMA pour toutes · Sponsoriser la création de familles monoparentales, une bonne idée, vraiment ?

Elizabeth Montfort, présidente du pôle Famille de l’Institut Thomas More

3 août 2022 • Entretien •


Un an après l’ouverture de la PMA à toutes les femmes, les femmes seules représentent 53 % des demandes émanant des nouveaux profils, selon l’Agence de biomédecine. Que savons-nous des conséquences socio-économiques de la monoparentalité ?

Dans son rapport annuel sur les familles, l’INSEE nous renseigne sur leur composition et leur cadre de vie. Le plus récent, du 13 septembre 2021, donne une photographie de l’année 2020 : 25 % des familles sont monoparentales et en augmentation constante. Dans ces familles, 82% sont des femmes dont l’emploi est plus précaire et souvent partiel pour élever leurs enfants. Ce rapport annuel nous renseigne également sur l’état de ces familles, en particulier sur deux points : les enfants des familles monoparentales sont plus souvent que les autres en situation de pauvreté et les enfants en famille monoparentale avec leur père sont moins souvent pauvres que ceux résidant avec leur mère. Ainsi, en 2018, 22 % des enfants en famille monoparentale avec leur père sont pauvres, proportion proche de la moyenne des enfants, contre 45 % pour les enfants en famille monoparentale avec leur mère.

Dans quelle mesure peut-on considérer que la PMA encourage la création de familles monoparentales ?

Avant l’adoption de la loi sur la PMA pour toutes les femmes le 29 juin 2021, 82% des familles monoparentales se forment à la suite d’un décès, d’une séparation ou d’un divorce avec son conjoint. Le fait que la majorité des demandes d’accès à la PMA vienne de femmes seules, contribue à créer de nouvelles familles monoparentales. Ainsi, ce ne sont plus seulement les aléas de la vie qui créent la famille monoparentale, mais un choix délibéré de la femme. C’est la conséquence directe de la loi. On observe que ces familles sont composées d’une femme et de son enfant.

Selon les données à votre disposition, quelles conséquences économiques et sociales grandir dans une famille monoparentale peut-il avoir sur le parcours des enfants qui y grandissent ?

L’Institut Thomas More a publié en septembre 2019 une note très complète sur les conséquences économiques et sociales des familles monoparentales en matière d’emploi, de logement, et de scolarité des enfants. Malgré les aides multiples ces familles restent très vulnérables. Lors des débats sur les révisions des lois de bioéthiques, plusieurs députés avaient alerté le gouvernement sur ces risques, mais ils n’ont pas été entendus. Et pourtant ces risques sont réels.

Le devenir de la scolarité de ces enfants mérite notre attention. Selon le ministère de l’Éducation nationale, le fait de vivre avec un seul parent reste un désavantage qui « s’explique en partie par un déficit de mobilisation familiale autour de l’école » : « Les parents seuls ont moins de temps pour s’occuper de leurs enfants. Les résultats des enfants de foyers monoparentaux se dégradent au long du collège. Les adolescents qui vivent avec un seul parent, souvent leur mère, sont donc, dans tous les cas, plus vulnérables à l’échec scolaire que les autres ». Ce phénomène s’est accentué pendant le confinement de l’année 2020. L’INSEE précise que 42% des enfants de ces familles atteignent la seconde sans redoublement (contre 62% pour les familles traditionnelles).

A l’heure où le pouvoir d’achat est la priorité numéro 1 des Français, n’y-a-t-il pas un paradoxe à ce que le gouvernement favorise des décisions de société aux conséquences socio-économiques néfastes ?

C’est en effet tout le paradoxe de ce gouvernement qui a par ailleurs quasiment occulté la réalité de ces familles et leurs difficultés quotidiennes lors des débats sur le pouvoir d’achat. Il est vrai que depuis longtemps, les responsables politiques gèrent les conséquences des situations difficiles par des aides diverses, sans en traiter les causes. Lorsque le président Macron a lancé son plan de lutte contre la pauvreté en septembre 2018, il avait « pour ambition d’agir contre les inégalités de destin et de permettre une égalité des chances réelles ». A l’heure où les parlementaires adoptent des mesures pour consolider le pouvoir d’achat des Français, où est la cohérence de traiter les risques de précarité et de fragilité sociale des familles monoparentales tout en contribuant à en augmenter le nombre ?

Qu’est-ce que les chiffres des PMA depuis la loi bioéthique nous indiquent sur la société française ? Sur son rapport au désir d’enfant et à l’engagement ?

La société française, de plus en plus individualiste, a tendance à considérer les êtres et les choses selon le prisme du désir et de sa satisfaction. L’enfant n’y échappe pas. Les chiffres de l’Agence de Biomédecine montrent la volonté des femmes d’avoir un enfant toutes seules réduisant l’homme à un donneur de gamètes. Présentée à l’origine comme une quête d’égalité entre tous les couples, de même sexe ou de sexe différent, la pratique de la PMA réalisée en majorité par des femmes seules sonne le glas du couple mère/père. La situation des femmes seules ajoute « l’absence de couple à l’absence de père », selon la juste formule du Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE). La femme sera seule pour accueillir l’enfant et en prendre soin tout au long de sa vie.

Quelles peuvent être les conséquences de long terme de cette tendance observée dans les premiers résultats de l’Agence de biomédecine ?

On voit déjà plusieurs conséquences. L’enfant n’est plus le fruit d’un amour d’un homme et d’une femme, résultant d’un projet porté et réalisé par deux personnes pour concrétiser cet amour, mais l’aboutissement d’une demande individuelle, une sorte de contrat entre la femme et l’Agence de Biomédecine qui donne l’autorisation de cette pratique. Dans ce contexte, on ne voit pas au nom de quel principe la GPA ne serait pas accessible aux hommes en mal d’enfant puisque cet enfant serait le résultat d’un contrat entre l’homme et la mère porteuse. Une brèche a été ouverte avec la loi sur la PMA pour les femmes seules. Elle sera difficile à colmater pour éviter le commerce d’enfants que représente la GPA pour les hommes seuls. L’enfant risque d’être instrumentalisé en devenant l’objet d’un contrat. Est-ce vraiment l’intérêt de l’enfant pour grandir et devenir une personne libre et responsable ?