Logement · Libérons le foncier

Sébastien Laye, chercheur associé à l’institut Thomas More

16 septembre 2022 • Opinion •


Le logement n’a quasiment pas été évoqué lors des dernières campagnes électorales. C’est pourtant prioritairement là qu’il faut mener le combat en faveur du pouvoir d’achat. Coup de chance : il est possible d’agir vite, sans dépenser un centime d’argent public.


Quize millions de personnes au minimum sont mal logées en France. Selon l’étude 2021 de l’INSEE « revenus et patrimoine des ménages :», un ménage à revenus modestes sur cinq consacre plus de 40% de son budget au logement. En ce moment, un crédit immobilier sur deux est refusé car il dépasse la barre des 33% des revenus disponibles. Au minimum 650 000 personnes vivent chez un tiers (parent, proche, ex-conjoint), faute de pouvoir se loger. La situation est depuis longtemps intenable, si elle n’est pas déjà explosive.

Et pourtant, la France dispose d’un patrimoine caché considérable : ses réserves en foncier, très mal exploitées en raison d’un droit de l’immobilier déconnecté du réel.

Pour sauver le pouvoir d’achat des Français à l’aube d’une crise d’une ampleur inédite, il faut immédiatement libérer le foncier, tant qu’il est encore temps d’essayer de prévenir.

Pour cela, il faut mettre en sommeil, par une loi d’exception, les Plans Locaux d’urbanisme (PLU), les Schémas de Cohérence et d’Organisation du Territoire (SCOT), et avec eux, la cohorte de plans soviétiques, comme les nouveaux Plans Locaux de L’Habitat (PLH). Tous ces outils de contrôle du foncier sont tombés entre les mains de planificateurs et de néo-féodaux méprisant totalement à la fois l’économie réelle, et les gens. Le clientélisme politique et la corruption ont largement remplacé le droit constitutionnel de propriété. L’intérêt général est le cache-nez de nombreux intérêts particuliers inavouables, pourtant connus de tous.

Oui, il faut libérer le foncier, pour qu’une famille puisse adjoindre facilement une extension à sa maison, ou puisse surélever et aménager ses combles, quand un nouvel enfant paraît. Oui, il faut pouvoir construire rapidement un petit studio en kit au fond du jardin pour le fils étudiant en quête d’autonomie, pour le jeune couple en mal de logement, ou tout simplement pour pouvoir ajouter une offre de studio à prix modéré au marché local de l’immobilier.

Oui, il faut que les friches non inondables artificiellement classées « agricoles » en zone urbaine, souvent punitives ou spoliatrices, parfois même qualifiées en toute illégalité de « réserve foncière », soient remises sur le marché, afin de permettre la construction de logements pour toutes les tailles et tous les types de locataires. Des logements réellement sociaux et pas seulement pour cas sociaux.

Oui, il faut un plan ORSEC Logement, à la main des préfets, en concertation avec les élus locaux, mais sans la pression obsessionnelle des prochaines élections municipales qui biaise tout.

Dans un jugement, la Cour de cassation a reconnu que le droit à une vie de famille normale, prévu par les traités dont la France est signataire, faisait droit à un citoyen qui avait bâti une maison pour abriter sa famille sans autorisation. Les sages ont, en cela, rétabli le droit constitutionnel de propriété, allégrement piétiné depuis des années.

La libération du foncier est la conditio sine qua non pour permettre d’offrir enfin un logement accessible financièrement et décent à tous. Elle permettra aussi de dégonfler l’énorme et insoutenable bulle spéculative qui s’est créée ces vingt dernières années dans l’immobilier, au détriment, bien évidemment, des plus fragiles et des plus modestes.