Pourra-t-on encore fêter Noël en famille après avoir déconstruit Noël et la famille ?

Elizabeth Montfort, présidente du pôle Famille de l’Institut Thomas More

23 décembre 2022 • Opinion •


Pour Elizabeth Montfort, présidente du pôle Famille de l’Institut Thomas More, la famille est au cœur de la fête de la Nativité. Mais la déconstruction progressive de l’une et de l’autre, au nom de « l’inclusion », ne peut aboutir qu’au règne de la solitude.


Le wokisme ne cesse de porter atteinte à tout ce qui fait la saveur d’une civilisation, la nôtre. Alors que les « fêtes de fin d’année » approchent, sera-t-il encore possible de passer Noël en famille, tant ces deux mots sont devenus tabou ? Non seulement les mots, mais leur sens et leur réalité.

Il y a tout juste un an, Helena Dalli, commissaire européen à l’égalité, avait réclamé de supprimer toute mention de Noël, qu’elle ne jugeait pas assez inclusif. C’est oublier que Noël parle à toutes les familles que l’on croit au ciel ou que l’on ne croit pas. C’est aussi nier le fondement originel de notre civilisation judéo-chrétienne : nous comptons les années à partir du premier Noël que les Chrétiens célèbrent comme le jour de la naissance du Sauveur. C’est enfin, célébrer une famille, la Sainte Famille, avec un père, une mère et l’enfant.

Insupportable pour les modernes censeurs, cette famille serait le symbole du patriarcat qu’il faut éradiquer par tous les moyens. Cette éradication, cette pulsion destructrice, revêt des atours bien différents mais qui convergent dans leur objectif commun : l’avènement de l’individu souverain.

La première forme de l’éradication est la plus franche et la plus brutale : l’éradication par l’idéologie post-moderne. Celle qui méprise la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 qui rappelle que « la famille est l’élément naturel et fondamental de la société et a droit à la protection de la société et de l’État » – Déclaration qui, rappelons-le, fut adoptée à Paris le 10 décembre 1948, au Palais de Chaillot, et n’a pas été remise en cause jusqu’à ce jour par la France.

Au fil des années, les attaques n’ont cessé de s’abattre sur la famille pour la remplacer par des entités présentées comme plus « inclusives » : la famille monoparentale, la famille homoparentale, la famille pluri-parentale, la famille recomposée, etc. Sans nier ces réalités, la question est de savoir quelle famille est la mieux adaptée à l’accueil, au développement et à l’intérêt supérieur de l’enfant et comment l’enfant va construire sa personnalité dans une filiation vraisemblable et compréhensible que la « PMA pour toute » a rendu impossible.

La deuxième forme de l’éradication est plus sourde, plus lente mais tout aussi corrosive : l’éradication par l’économie. Abaissement du plafond du quotient familial, diminution du montant des allocations familiales, confusion entre politique familiale et politique sociale, etc. Faute de donner du sens aux décisions qu’ils prennent, les responsables politiques ont une vision à court terme et réduisent la politique familiale à une politique sociale fondée sur des allocations ou des aides financières, s’interdisant ainsi de construire une société pacifiée durable.

Toutes ces mesures ont atteint la famille dans son quotidien, avec deux conséquences lourdes : la chute du pouvoir d’achat et l’effondrement catastrophique de la démographie avec un taux de fécondité dramatiquement bas qui ne permet plus le remplacement des générations, malgré le souhait des parents d’avoir plus d’enfants. A l’heure où le gouvernement s’apprête à présenter un projet de loi sur la réforme des retraites, il serait bon qu’il s’en prenne aux causes de cette chute démographique au lieu de se contenter d’en traiter les conséquences. Car aujourd’hui, le nombre d’actifs ne suffit plus à maintenir l’équilibre du système de retraite par répartition.

La troisième forme de l’éradication est sociale et s’insinue au cœur de la vie des familles : l’éradication par le mépris de la responsabilité des parents. Les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants et, par délégation, peuvent confier cette tâche à des tiers, enseignants ou autres. Dans le domaine sensible de l’instruction scolaire, comme nous le rappellent les derniers arrêtés du Conseil d’Etat sur l’instruction à la maison, mais aussi dans le domaine de l’insécurité et de lutte contre la violence, les plans successifs omettent de manière systématique la coopération première des parents. Dès lors, les gouvernements se substituent aux parents et imposent par l’administration des choix qui peuvent être contraires à ceux des parents.

Ces trois éradications, caractéristiques de l’ère de l’individualisme triomphant et de l’omnipotence de l’État, fragilisent les familles, le rôle des parents et accentuent les solitudes et les manques de repères pour les enfants, les empêchant de préparer leur vie d’adultes libres et responsables. Tout ceci ne peut créer qu’une confusion et une fracturation de la société dont la première victime sera l’enfant. C’est ce que la fête de Noël veut nous rappeler, à condition de sortir de l’aveuglement.

La pandémie hier, la crise énergétique et économique aujourd’hui, ont jeté une lumière terrible sur les solitudes. Cependant, il faut bien se garder de considérer qu’elles en seraient la seule cause. La réalité c’est que la famille ne joue plus le rôle d’amortisseur des aléas ou des blessures de la vie. Tout simplement parce qu’elle est devenue une « forme de vie » à abattre aux yeux des nouveaux idéologues, et la politique familiale une « vieillerie » qu’il convient de laisser s’éteindre… Année après année, les lois se succèdent, toujours plus agressives, mais ne résolvent en rien les questions de la solitude et du mal-être, de la jeunesse en particulier.

En prétendant libérer l’individu et le rendre toujours plus maître de lui-même, elles l’isolent au contraire et lui font perdre de vue les trésors de la famille. Rappelons les propos, tenus dans ces colonnes, de Christian Flavigny, pédopsychiatre qui s’intéresse à la magie de Noël chez les enfants : « Noël parle à toutes les familles, que les anime une foi religieuse ou non. La joie familiale de Noël, c’est le bonheur de la présence de l’enfant ; il suffit de voir la tristesse solitaire des personnes qui n’ont pas ou n’ont plus de famille avec qui vivre la soirée de Noël ».

Alors, osons le dire, en espérant que ce ne soit pas la dernière fois : Joyeux Noël en famille à tous !