Le « quoi qu’il en coûte », un tonneau des Danaïdes

Sébastien Laye, directeur de recherche à l’Institut Thomas More

5 janvier 2023 • Opinion •


« La hâte engendre en tout l’erreur, et de l’erreur sort bien souvent le désastre ». Nos dirigeants auraient eu en tête cette réflexion d’Hérodote, que la trajectoire de notre économie en 2023 eut été fort différente. En 2020, face à une contraction du PIB de près de 8% engendrée par les confinements, alors que notre économie était au bord de l’abysse, une intervention massive des Etats et une injection de quantités astronomiques de monnaie pouvait être justifiée pour quelques mois : ce pari était cependant audacieux et hâtif, alors qu’en Europe et singulièrement en France, la stimulation monétaire et budgétaire était de mise depuis cinq ans déjà.

Le terme de « quoi qu’il coute » du président Macron n’était que la reprise du « Whatever it takes » de Mario Draghi plusieurs années précédemment. Nihil novi sub sole. Juste avant le Covid, notre dette tutoyait les 100% du PIB et nous ne parvenions presque jamais à respecter la moindre discipline budgétaire. Lorsque les vannes furent lâchées en 2020, le risque d’inflation était patent dès la fin de l’année. Or notre gouvernement, confortablement installé dans le laxisme monétaire et budgétaire, puis devant subitement au printemps 2022 faire face à une seconde crise longtemps niée, celle du pouvoir d’achat, n’est jamais sorti de ces mesures d’exception.

Nous vivons depuis 2020 largement au-dessus de nos moyens, avec comme conséquence cette terrible inflation qui fait basculer des Français dans la pauvreté. L’inflation pour 2022 s’élève à 7%, un peu moins que la moyenne européenne, mais la différence vient d’une budgétisation de l’inflation par des mesures dispendieuses. Elles sont toutes justifiées par l’urgence, alléger la facture de l’électricité, celle du carburant, puis maintenant celle du chauffage au bois… mais au lieu de juguler l’inflation, on se contente d’appliquer des cautères dont les Français paieront toujours in fine le prix.

Pendant ce temps, la dette accumulée coûte de plus en plus cher avec la remontée des taux d’intérêt. D’ici trois ans, le coût annuel du service de la dette devrait presque doubler, sauf à imaginer une nouvelle baisse brutale des taux. Trouver chaque année 10 milliards de plus au budget confinera à un exercice périlleux d’équilibriste. La restructuration de notre État jamais engagée foncièrement depuis vingt ans risque de se faire soudainement par la force des choses.

Le mur de la réalité n’est jamais apprécié des gouvernants, non plus que les lois d’airain de l’économie. Mais nos dirigeants se grandiraient en tenant enfin un discours de vérité aux Français. Pinay, Barre, Fillon, ont eu jadis ce courage et aucun spin doctor, conseiller en communication ou visiteur du soir ne sortira le gouvernement français du guêpier dans lequel il s’est engoncé, faisant miroiter aux Français cet éternel soutien financier de l’argent magique. En politique économique, il faut tenir avec courage sa ligne de crête : nous avons plus que jamais besoin d’artisans besogneux à la barre, non de prestidigitateurs. Ils existent et sont toujours prêts à aider leur pays.