Pour une nouvelle politique du logement en France

Sébastien Laye, directeur de recherche à l’Institut Thomas More

13 mars 2023 • Opinion •


La France a besoin de l’ordre de 395.000 nouveaux logements par an, estime Sébastien Laye, directeur de recherche à l’Institut Thomas More, auteur du rapport « Construire « plus » et « mieux » de logements en France : c’est possible » (disponible ici), un objectif qui ne sera jamais atteint si nous ne changeons pas de politique : au rythme actuel, nous risquons un déficit de près de 850.000 logements en 2030.


Dans certains milieux économiques et politiques se fait jour une antienne malthusienne en matière de logement : l’idée selon laquelle les besoins de logement seraient désormais en baisse et qu’il faudrait réduire les mises en construction. Les permis de construire de logements, déjà en baisse en 2022, sont attendus en repli de 21% en 2023 ! Les surcoûts des réglementations environnementales, les difficultés des ménages à emprunter, l’impact de l’inflation sur les coûts de construction sont autant de vents contraires qui ont de quoi inquiéter. N’ajoutons pas des idées fausses à une réalité déjà critique.

Dans notre étude, nous montrons, en nous appuyant sur les standards internationaux d’analyse des besoins en logements, que la France a un besoin de l’ordre de 395 000 nouveaux logements par an et qu’au rythme actuel, nous risquons un déficit de près de 850 000 logements en 2030. Cette moyenne nationale masque des disparités géographiques importantes avec un déficit préoccupant de logements sur certains territoires : en Occitanie, dans les régions de l’ouest (Bretagne, Pays de la Loire, Nouvelle-Aquitaine) et en Auvergne-Rhône-Alpes principalement.

Ces perspectives, dans le contexte de la crise du pouvoir d’achat que nous connaissons, augurent d’une véritable bombe sociale sur certains territoires. Alors que la Fondation Abbé Pierre a récemment rappelé le chiffre des 4,1 millions de Français mal logés, il est temps de regarder les impasses de la politique du logement depuis au moins deux décennies : sur-administration, sur-fiscalisation et impératif (légitime) de transition écologique mal conçu et au calendrier boiteux, expliquent cet échec aujourd’hui payé par tous les Français. Les ménages les plus modestes consacrent jusqu’à 45% de leur budget au logement et la crise du pouvoir d’achat et de l’inflation ne sera pas résolue tant que nous ne prendrons pas à bras le corps le sujet de l’habitat et de la construction.

Pris en tenaille entre l’ambition écologique et les besoins sociaux, la communication nationale et les indépendances locales, le logement est devenu une simple variable d’ajustement des finances publiques (dont il est un contributeur net des aides à hauteur de 54 milliards) ou un bouc émissaire d’idéologues. Il est grand temps de le rendre aux Français et de rappeler sa dimension sociale. Avoir un toit sur sa tête est un besoin vital : c’est pourquoi nous plaidons pour remettre la politique du logement entre les mains de responsables pragmatiques et non d’idéologues.

C’est d’une refondation complète de la politique du logement dont nos concitoyens ont besoin. Pour y parvenir, elle ne doit pas être réduite à une problématique économique, ni financière. C’est une question primordialement politique (polis, c’est la cité en grec) qui touche à de nombreux aspects de la vie personnelle et collective des Français : sociale avant tout, économique bien sûr, elle est aussi environnementale, esthétique et sociétale. C’est la raison pour laquelle il faut placer le souci de conjuguer l’appel à « plus » de logements à un impératif de « mieux » de logements au cœur de cette nouvelle approche.

En plus de revoir notre (ubuesque) fiscalité immobilière ou les modalités d’attribution de permis de construire, nous devons tracer un chemin plus réaliste sur les objectifs environnementaux : le bâtiment sera clef dans la décarbonation de notre pays et nous devons conjuguer préoccupations esthétiques, économiques et environnementales dans des schémas urbains plus équilibrés et respectant l’équation économique des constructeurs et des promoteurs. La politique du logement est au cœur de l’aménagement du territoire, de la décentralisation et du pouvoir des maires, au cœur bien sur des questions environnementales, mais aussi, nous l’avons dit, au cœur de la plus urgente des crises : celle du pouvoir d’achat.

Pour un gouvernement qui cherche à résoudre la quadrature du cercle sur tous ces sujets et qui est en quête d’une vision, la relance de la politique du logement devrait être primordiale. C’est maintenant, et avec les professionnels du secteur, que cette grande ambition doit prendre forme et direction.