La Pologne, pilier oriental de la défense de l’Europe : continuités et opportunités

Martin Laï, assistant de recherche à l’Institut Thomas More

Mars 2024 • Note 66 •


La Pologne est devenue un acteur géostratégique de premier plan

Victime de l’impérialisme russe depuis le XVIIème siècle, la Pologne a rejoint pour y faire face l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) dès le lendemain de la chute du rideau de fer et constitue son pilier oriental. Cette orientation stratégique demeure aujourd’hui au cœur de sa doctrine de défense que l’invasion russe de l’Ukraine, commencée en 2014, est venue confirmer. Solidaire face à la menace russe, Varsovie continue d’être un allié militaire indéfectible et de premier ordre pour Kiev. Outre la relation très étroite développée avec Washington, la Pologne s’est en outre érigée en principale puissance d’Europe orientale, tant sur le plan politique que proprement militaire.

Un modèle de défense ambitieux, tourné vers la menace russe

Face à la menace russe, qui a repris de la vigueur depuis 2014, Varsovie a considérablement investi dans son outil de défense. Le budget consacré aux armées a connu une trajectoire exponentielle pour financer la hausse spectaculaire des effectifs et des équipements, dans le cadre de la dissuasion conventionnelle qu’elle souhaite exercée vis-à-vis de Moscou. La Pologne vise ainsi l’objectif de 250 000 militaires d’ici à 2025, contre près de 114 000 en 2021. Son objectif de dépense militaire pour 2024 est elle aussi très ambitieuse, à hauteur de 33 milliards d’euros, contre 20,5 milliards d’euros en 2023 et 12 milliards d’euros en 2022. Parmi les dernières commandes majeures d’équipement, on peut notamment noter aux 1 000 chars K2 Black Panther sud-coréens, ce qui en ferait le premier parc blindé d’Europe, de très loin.

Une industrie de défense qui se développe

La montée en puissance capacitaire s’est accompagnée d’une politique volontariste pour développer sa Base Industrielle et Technologique de Défense (BITD), dont le cluster Polska Grupa Zbrojeniowa (PGZ) constitue la vitrine. Toutefois, la volonté polonaise de rester proche des États-Unis et de disposer rapidement de matériels en très grands nombres conduit Varsovie à acheter de nombreux équipements auprès des États-Unis ou de la Corée du Sud, au détriment de son industrie domestique ou des industriels européens.

Un nouveau contexte politique

L’arrivée au poste de Premier ministre de Donald Tusk en décembre 2023, à la place du parti Droit et Justice (PiS), constitue un véritable virage politique en Pologne. Il ne devrait pas s’accompagner d’un revirement à 180° de la politique étrangère et de défense du pays, mais plutôt d’une continuité. Toutefois, le nouveau gouvernement devrait faciliter les relations avec les pays européens. Dans ce contexte, Paris doit saisir l’opportunité pour faire de Varsovie un véritable partenaire stratégique et donner une cohérence à la politique de défense française en Europe.

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L’auteur

Martin Laï est assistant de recherche à l’Institut Thomas More. Étudiant en Master Politiques Publiques spécialité Sécurité et Défense à l’Institut d’Étude Politique de Paris, il suit en parallèle un diplôme universitaire en histoire contemporaine de l’Europe orientale à l’Institut Nationale des Langues et Civilisations orientales (INALCO). Après avoir effectué un stage à l’Institut Thomas More en tant que chargé de mission en relations internationales, il a réalisé des stages au Pôle Relations internationales militaires de l’État-Major des Armées puis à la Direction Commerciale Export du leader de la défense terrestre européenne, KNDS (anciennement Nexter). Intéressé par les enjeux de défense européenne, la géopolitique et plus particulièrement par l’Europe orientale, il poursuit des recherches et a écrit plusieurs articles sur ces thématiques. Après avoir effectué une formation d’officier de réserve au sein de la Marine nationale, il est également Enseigne de Vaisseau de seconde classe