Mai 2021 • Rapport 22 •
L’ampleur et la complexité des crises mondiales appellent la création d’instruments innovants contre la pauvreté
Washington, octobre 2002, la question est posée : la Banque Mondiale existe déjà, alors pourquoi pas World Re, système mondial de réassurance en faveur des pauvres ? Depuis lors, on ne compte plus les initiatives à base régionale ou thématique. Mais au plan mondial, toujours rien. Depuis l’automne de 2020, trois crises mondiales en phase aiguë – climatique, sanitaire, alimentaire – se télescopent alors qu’il reste des traces de la précédente crise financière. Leur enchevêtrement oblige à « penser autrement », aux dimensions de la planète, et il fait redouter des répliques hybrides dont on n’a aucune expérience. On ne sort d’une crise que par des choix : crise, critère, krinein, choix, ne font qu’un. Aujourd’hui, la priorité est de contenir l’onde de choc et de réparer les dégâts. Seule certitude pour demain : la prochaine crise systémique sera inédite. Force est donc, sans délai, de mettre en œuvre des instruments innovants, évidemment plus complexes afin d’être en phase avec la complexité croissante de leur objet (loi de la variété requise d’Ashby), plutôt qu’en harmonie avec le confort de leurs pilotes.
Climat, santé, alimentation, pauvreté, instabilité géopolitique : l’urgence d’une innovation croisée
Pour l’heure, et faute de réponse anticipée, le terrain de jeu des décideurs – lui aussi de dimension mondiale par l’emprise des réseaux sociaux – est largement ouvert aux marchands d’illusions, aux concessionnaires du tout-crédit ou du tout-subvention, etc., ce qui rend peu audibles les alertes qui pourtant se multiplient. Exemples, au hasard d’une banale semaine d’octobre 2020 : la remontée brutale observée de l’insécurité alimentaire « fait craindre une pandémie de la faim (FAO/PAM) » ; « laissez fleurir 1000 micro-assureurs » réclame l’IRDAI (Inde) ; les organisations paysannes du Niger s’alarment des « répercussions des inondations en pleine crise économique post-Covid-19 » ; Paul Schultz, PDG d’AON Securities, explique que, face au risque pandémique, « on devra aller beaucoup plus loin que les marchés de capitaux de réassurance alternatifs (ILS) qui ont été exploités à ce jour », etc. « Nous nous mettons en danger en ignorant le lien entre sécurité sanitaire et sécurité internationale » disait déjà Bill Gates en 2017. Climat et finance, santé et alimentation, pauvreté et conflits, etc. : pour les spécialistes et les institutions spécialisées, le croisement des compétences n’est pas une option, mais une nécessité. Cette logique d’innovation croisée est connue depuis longtemps en R&D.
Face aux risques, lutter contre la vulnérabilité et renforcer les capabilités des plus pauvres
En publiant la note Réassurer la planète (2004, puis 2012), l’Institut Thomas More pressentait que, pour casser la spirale de l’insécurité économique, il fallait couvrir efficacement les risques extrêmes que subissent les régions les plus pauvres de la planète. Sont ici visées les catastrophes climatiques, géologiques, sanitaires, industrielles, du fait de l’homme, etc., mais aussi toutes ces catastrophes silencieuses qui résultent du cumul aléatoire de sinistres dont le nombre et la sévérité sont extrêmes. C’est en renforçant les capabilités (A. Sen) et la sûreté de la propriété (J.B Say, H. de Soto) que la gestion des risques soutient et stabilise un processus de développement. L’ampleur du défi à relever commande de mobiliser les outils les plus modernes de gestion des risques et de viser d’emblée l’échelle mondiale.
Une réponse : Planète Ré
De la solidarité vernaculaire jusqu’aux obligations-catastrophes, le système assurantiel forme un tout, inclusif, solvable et librement désiré par les parties, donc cohésif. Aucun calcul parcellaire n’est soluble si l’ensemble ne l’est pas, et réciproquement. Méga-données, imagerie satellitaire, logique floue, dérivés climatiques, etc. : toutes les innovations techniques, algorithmiques et financières sont d’ores et déjà disponibles. La grande vulnérabilité est cause de pauvreté et frein au développement. Le rapport de Michel Vaté montre comment, sous le nom de Planète Ré, la mise en œuvre de ces innovations peut aider à relever ces défis. On sait. On peut. Mais le veut-on ?
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L’auteur du rapport
Michel Vaté est professeur émérite à l’Université de Lyon et ancien Doyen de la Faculté de Sciences économiques de Lyon. Il est l’auteur de nombreux ouvrages, contributions et articles. il a participé au programme Social Re (BIT/Banque Mondiale) sur l’assurabilité des risques dans les pays pauvres. La première édition de sa note Réassurer la planète par l’Institut Thomas More et sa participation à la « 2nd Microinsurance Conference » (Cape Town) ont ouvert une série d’articles qui préconisent un système mondial de réassurance en appui aux stratégies de développement. Il a donné de nombreuses publications et conférences sur ces sujets en Europe et en Afrique, aux États-Unis, au Canada, en Inde et à Singapour. |