29 août 2014 • Opinion •
Les pays tels que le Danemark, l’Allemagne et l’Irlande, qui sont confrontés aux prix les plus élevés de l’électricité de l’UE, sont précisément ceux qui ont amorcé la sortie du nucléaire et/ou se sont engagés dans une politique bas carbone ambitieuse.
En dépit de la crise économique, les ménages ont connu une augmentation récurrente des prix de l’électricité ces dernières années. Dans l’UE 28, le prix moyen de celle-ci (toutes taxes incluses), pour les ménages moyens, était de 0,201 EUR/kWh durant le second semestre 2013 contre 0,195 EUR/kWh et 0, 184 EUR/kWh durant la même période, respectivement en 2012 et 2011 (1).
Toutefois, la cherté de l’électricité varie d’un État membre à l’autre en fonction des politiques énergétique et de taxation. Ainsi, durant le second semestre 2013, le prix de l’électricité était le plus élevé au Danemark (0,294 EUR/kWh), en Allemagne (0.251 EUR/kWh), à Chypre (0,248 EUR/kWh) et en Irlande (0,241 EUR/kWh). Les prix les plus bas, par contre, se sont affichés en Bulgarie (0,088 EUR/kWh), en Roumanie (0,128 EUR/kWh) et en Hongrie (0,133 EUR/kWh) (2).
Or les pays tels que le Danemark, l’Allemagne et l’Irlande, qui sont confrontés aux prix les plus élevés de l’électricité de l’UE, sont précisément ceux qui ont amorcé la sortie du nucléaire et/ou se sont engagés dans une politique bas carbone ambitieuse (allant même au-delà des objectifs de l’Union Européenne), sans avoir d’ailleurs réussi à développer une industrie robuste du renouvelable. Bien au contraire, nombre de fabricants d’éoliennes et de panneaux solaires ont ou sont sur le point de faire faillite en Europe.
En Allemagne, la promotion intensive du renouvelable intermittent et la sortie progressive du nucléaire ont conduit à de fortes augmentations de la facture d’électricité au point de compromettre l’avenir d’une partie de son industrie et de ses exportations. Cette situation critique a amené le gouvernement allemand à exempter, totalement ou partiellement, les entreprises concernées de la contribution à la transition énergétique (Energie Wende) et à reporter sur les ménages le coût de celle-ci. En outre, au lieu de la diminuer, l’Allemagne a accru son empreinte carbone de 2% en 2013 par rapport à 2012 (3), en raison des émissions des gaz à effet de serre provenant des centrales à combustible fossile, principalement celles au charbon, alors que les émissions de CO2 ont diminué dans les États membres promouvant des politiques énergétiques moins idéologiques et plus équilibrées. Confronté à la réalité économique, le gouvernement de la Chancelière Merkel a dû revoir la législation sur l’énergie renouvelable (loi EEG) afin de freiner la hausse des coûts liés à la participation EEG (financement par le consommateur de la rémunération prévue par la loi EEG), de mieux intégrer ces énergies au marché de l’électricité et d’imposer aux investisseurs dans ce secteur d’activités à prendre plus de risques. Le projet d’amendement de la loi EEG doit encore être approuvé par le Bundestag. Il est vraisemblable que ce sera le cas.
Le Danemark s’est engagé dans une politique tout aussi risquée que celle de l’Allemagne. La part des énergies renouvelables (essentiellement intermittente) dans la consommation totale, s’est accrue de 23,4% en 2012 à 24,5% en 2013 (4). La production d’électricité « verte » a augmenté de 2,7% en 2013 par rapport à 2012 tandis que la consommation de charbon a bondi de 26,3% durant la même période. Le Danemark a connu un fort accroissement des émissions de CO2 en 2013 par rapport à 2012, avec 6,8% d’émissions supplémentaires et ce malgré la forte pénétration du renouvelable (5). Et cerise sur le gâteau, le prix de l’électricité pour les ménages moyens est le plus élevé de l’UE28 en 2013 : 29.4 cEUR/kWh. Le modèle énergétique danois, en dépit des subventions massives au dépens des consommateurs privés, n’a pas réussi à atteindre ses objectifs de transition énergétique, et encore moins la perpétuation de la création nette d’emplois dans l’industrie du renouvelable. Vestas par exemple, ex-numéro 1 des fabricants d’éoliennes, affronte de sérieuses difficultés et d’ailleurs a dû licencier des milliers d’employés en 2012.
L’Irlande n’est pas en reste. Le recours aux sources d’énergie renouvelable, en pourcentage de la production totale d’énergie primaire, a connu une croissance impressionnante de 5% en 1990 à 58% en 2012 (6). Le prix de l’électricité des ménages moyens est passé à 22,9 cEUR/kWh durant le second semestre 2012, soit 10% de plus qu’en 2011. Au second semestre 2013, ce prix a atteint 24,1 cEUR/kWh. En ce qui concerne les émissions de CO2 en 2012, l’Irlande a dépassé la limite (moyenne de 5 ans) fixée par le protocole de Kyoto de 2,1 million de tonnes de CO2 et les émissions par habitant étaient plus élevées qu’en Allemagne et au Danemark et de 40% supérieures à la moyenne de l’UE (7). Quant à la création d’emplois dans le secteur du renouvelable, l’Irlande est la lanterne rouge de l’UE en 2010 (8).
A l’inverse, les pays de l’UE disposant d’importantes ressources hydrauliques et/ou une part élevée d’énergie nucléaire dans la génération d’électricité, peuvent offrir de bas prix d’électricité. Les prix de l’électricité pour les ménages sont les plus bas en Bulgarie (0,088 EUR/kWh), en Roumanie (0,128 EUR/kWh) et en Hongrie (0,133 EUR/kWh), pays à production hydraulique et/ou nucléaire relativement importante et à faible pénétration du renouvelable intermittent. Le prix de l’électricité en France est de même un des plus bas de l’UE. Le nucléaire intervient pour 75% de la production d’électricité du pays, tandis qu’un pourcentage élevé des 25% restants est assuré par des centrales hydrauliques.
Notes
(1) Eurostat, Electricity and natural gas price statistics, mai 2014.
(2) Ibid.
(3) Eurostat, In 2013, CO2 emissions in the EU28 estimated to have decreased by 2.5% compared with 2012, Communiqué 74/2014, 7 mai 2014.
(4) Danish Energy Agency, 21 mars 2014.
(5) Eurostat Statistics, 8-0705-2014.
(6) Central Statistics Office (CSU), Environmental indicators, Dublin, 2014.
(7) Ibid.
(8) Europe-Observatory on Renewable Energy, 2011.