Nouvelles procédures de redressement pour les petites entreprises · Une fausse bonne idée ?

Sébastien Laye, chercheur associé à l’Institut Thomas More

26 mai 2021 • Chronique •


L’idée d’une procédure accélérée de résolution des difficultés financières des TPE, reprise dans le projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire, est séduisante… mais réfléchie à la hâte selon Sébastien Laye, qui s’inquiète notamment du sort réservé aux salariés.


Alors que se profile à l’horizon la sortie de la crise sanitaire, le gouvernement doit logiquement légiférer sur cette sortie de crise et ses divers dispositifs, exemptions et adaptations, à l’instar de ce qu’ont fait les États-Unis ou l’Angleterre par exemple depuis quelques mois. Ainsi, alors que l’essentiel du projet de loi de Jean Castex qui arrive au Sénat pour un vote ce jeudi concerne le sanitaire et l’état d’urgence, on relèvera des dispositions de dernière minute (on pourrait les qualifier de cavaliers législatifs tant ces amendements ne concernent pas directement l’objet du texte) afférentes aux petites entreprises.

On le sait, avec la crainte de faillites en sortie de crise sanitaire, l’extrême faiblesse de notre tissu de TPE, de commerces, de restaurants, le débat économique est dominé par ce thème des petites entreprises, de leur dette, du niveau des PGE, etc. Récemment, la mission Ricol, nommée initialement pour résoudre la menace qui planait sur la garantie des salaires, avait fait des propositions de réformes dans ce sens. J’ai pu moi-même proposer, dans divers travaux pour l’Institut Thomas More (en attendant un rapport plus complet mi-juin), des idées sur la garantie des salaires ou un comparatif international qui mettait en exergue justement nos faiblesses en la matière. Dans ses derniers amendements, le gouvernement reprend une idée dans l’air du temps, celle d’une procédure express, flash, de résolution des difficultés pour les petites entreprises. L’objectif est louable même si comme trop souvent, l’exécution souffre de défauts.

Le texte déposé au Sénat ambitionne ainsi de créer « une procédure rapide destinée aux entreprises de moins de vingt salariés et ayant moins de trois millions d’euros de montant de passif déclaré ». Il s’agit donc d’une procédure flash pour les petites entreprises qui étaient en relative bonne santé financière avant le Covid. Le texte dit aussi que ce dispositif doit permettre à ces entreprises « de rebondir rapidement grâce à une restructuration de leur dette ». En effet, l’un des principaux problèmes de restructuration d’entreprises est que les entrepreneurs, notamment dans les TPE, ont peur d’aller en procédure de sauvegarde par crainte de la voie judiciaire et du Tribunal de commerce ; il s’agit ici de les inciter à négocier au plus tôt avec leurs créanciers, avant la faillite, avec une procédure simplifiée et de trois mois là où aujourd’hui, six mois est un minimum. Cet amendement, adopté dans l’urgence, sans vrai débat avec les entrepreneurs, est une première étape encore loin des ambitions tracées par la mission Ricol. En tout état de cause, il devra être repris dans le cadre d’une réflexion plus vaste sur le droit et les procédures de restructuration des entreprises en difficulté.

Car pour l’instant, cette procédure, au nom de la rapidité et de la simplicité, fait l’impasse sur de nombreuses protections : le contrôle par l’AGS des créances nées pendant cette période de redressement est inexistant (alors même que l’AGS devra payer les salaires), et surtout rien n’est dit sur l’encadrement des rémunérations des administrateurs/mandataires judiciaires : il existe en l’état actuel un doute sur la possibilité d’appliquer les règles de tarification de ces métiers durant cette procédure spécifique. Le risque ici est grand, sous couvert de créer une procédure plus rapide (louable et qui va dans la bonne direction), d’enterrer les bonnes recommandations de la mission Ricol sur la transparence, le traitement équitable des salariés et les droits des différents intervenants.  Nous avons encore jusqu’à l’été pour parfaire le mécanisme.