Avril 2021 • Note de Benchmarking 20 •
Sébastien Laye présente sa note de Benchmarking en vidéo
La sévérité de la crise économique à venir justifie l’analyse et l’évaluation des dispositifs d’accompagnement des entreprises en difficulté
Alors que les prévisions sont sombres pour les mois à venir (plus de 60 000 défaillances en 2021, soit +32% par rapport à 2020, selon Euler Hermes, et un taux de chômage proche de 11%, selon la Banque de France), il est apparu à l’Institut Thomas More utile et urgent d’analyser et d’évaluer l’efficacité du régime des faillites et d’insolvabilité des entreprises en France.
Une analyse comparative basée sur 9 pays et 22 critères de comparaison
Pour ce faire, nous avons comparé la France à huit pays : l’Allemagne, le Danemark, l’Espagne, les États-Unis, la Finlande, l’Irlande, l’Italie et le Royaume-Uni. Concernant les critères de comparaison, nous avons combiné des indicateurs généralistes à une analyse multifactorielle des différentes facettes d’une restructuration d’entreprise. Notre note présente quatre tableaux de données (les sources de ces tableaux sont détaillées dans la note).
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Ces éléments permettent d’identifier cinq principaux points d’analyse.
1. Le régime d’insolvabilité français est médiocre et peu performant
Dans le classement Doing Business de la Banque mondiale des régimes d’insolvabilité, la France pointe au 26e rang, loin derrière la Finlande (1e), les États-Unis (2e), l’Allemagne (4e) et le Danemark (6e). La comparaison permet d’identifier que cette contre-performance s’explique principalement par le sort réservé aux créanciers dans notre pays, du fait de procédures souvent trop rigides et insuffisamment protectrices.
2. Praticiens de l’insolvabilité en France : un métier fermé et un mode de rémunération insuffisamment encadré
Les administrateurs et mandataires judiciaires « à la française » n’ont pas d’équivalents dans les pays comparés où leur rôle est assumé par des avocats, des comptables ou des professionnels du monde économique. Conflits d’intérêts, ouverture de la profession, règles de rémunération : la comparaison internationale ouvre des perspectives sur la transformation du métier qui devra accompagner la réforme du secteur.
3. Les instruments français de prévention des difficultés sont plutôt dans le bas des standards occidentaux
En matière de régimes de pré-insolvabilité, on ne va trouver d’effectives en France que des procédures à l’amiable, là où plusieurs pays ont mis en place des mécanismes d’alerte précoce aussi performants que lors d’une faillite ou une liquidation : ce qui bien sûr limite l’occurrence de ces faillites. Certains pays ont aussi fait le choix d’un régime spécifique pour les PME avec plus de flexibilité en amont.
4. Les outils de restructuration français limitent le financement de nos entreprises
Cette question va se poser avec acuité en France, et dans un contexte très différent des dernières années, avec la question du remboursement des PGE (Prêts garanti par l’État). Notre pays pourrait avec profit s’inspirer de plusieurs de ses partenaires européens qui ont adopté des mécanismes de sécurisation des investisseurs avant un apport de financement, quant au sort qui leur est réservé lors d’une procédure d’insolvabilité.
5. La grande force du régime français est la protection des salariés
Il ressort enfin de cette comparaison internationale que le principal atout du régime français est le traitement du salarié, en particulier grâce à la garantie des salaires et le privilège des salariés. Dans notre pays, non seulement les créances salariales sont prioritaires sur les autres mais le plafond d’indemnités potentiellement versé aux salariés est nettement plus élevé (jusqu’à 80 000 euros contre une moyenne européenne de 20 000 à 30 000 euros). La France est par ailleurs au premier rang mondial pour la vitesse de traitement des dossiers d’indemnité. Dans le contexte difficile qui s’annonce, c’est un précieux outil à préserver. Le projet de réforme actuellement en discussion au ministère de la Justice, qui impacterait immanquablement le régime, est donc inquiétant et difficilement compréhensible…
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L’auteur de la note
Sébastien Laye est chercheur associé à l’Institut Thomas More. Diplômé d’HEC Paris et de Sciences Po Paris, il est actif dans le débat public depuis dix ans. Il est notamment l’auteur de deux livres : Stratégies d’investissement (Ellipses, 2013) et Capital et Prospérité. Le retour de la croissance pour tous (éd. Alternative démocratique, 2016). Il est par ailleurs entrepreneur dans le domaine de l’immobilier et du financement de l’immobilier en Europe et aux États-Unis, où il a lancé sa première société de conseil en 2011. Il a aussi été actif dans le domaine des infrastructures françaises. En février dernier, il a cosigné avec Franck Morel, avocat associé chez Flichy Grangé avocats, la note « Face au mur des faillites d’entreprises : comment mieux protéger les salariés ? » (disponible ici) • |